De retour au lycée après sa longue maladie, Frédéric Xiaofei Lin me présente d’un air mystérieux trois poèmes : ― Lequel vous préférez, Madame ?
Ce sont trois poèmes adolescents d’amour. Je désigne par hasard ou par discernement celui que ses grandes sœurs n’ont pas corrigé.
Je vois encore son air content. Quelques mois plus tard, Frédéric quittait définitivement le lycée, l’amour, la poésie.
J’ai retrouvé sur sa page Facebook son appréciation sur la littérature :
– KIFF FLAUBERT, MAUPASSANT.
Mais je n’y ai pas trouvé ce qu’absurdement je cherchais : une trace quelconque du poème d’amour.
Frédéric a disparu il y a bientôt sept ans mais sa page Facebook est toujours là, avec ses émoticones, ses mdr et ses vannes aux copains. Rien de plus navrant que la page Facebook d’une jeune personne disparue.
La seule chose que j’espère, c’est que Frédéric ait osé donner son poème à Justine, à Weiwei, à Céline, et surtout à Mengru qui a pleuré si fort à son enterrement, et qu’elle l’ait gardé en mémoire de lui.
On lit les écrits des personnes disparues en essayant de faire parler leurs mots, ils continuent à vivre avec nous dans les interlignes.