Mon cahier douanier

Je tiens chez moi des cahiers réservés aux citations glanées dans les livres que je lis et qui, provenant de boutiques de musées, sont en somme eux-mêmes des citations. Voici la couverture du dernier :


Ces plantes et ces fruits, ces animaux qui en émergent ou s’y dissimulent, cette femme allongée qui semble attirer le rêve à elle, tout cela m’engage à entrer dans un monde de citations plus mien que celui d’un journal intime. Dans cette jungle de citations où je ne me perds pas, chaque phrase vient me toucher, non seulement parce qu’elle a été écrite par la main de Proust, Emaz, Gaspar, Lichtenberg, etc., mais parce que le fait même que je sélectionne, rassemble et relise des phrases qui vont, sans que je m’en aperçoive sur le moment, dans la même direction, me donne un espoir de coïncider plus étroitement avec moi-même. Ce cahier ne trompe pas. Aurais-je sans m’en douter en moi une boussole, comme Proust vient personnellement me le dire dans ce cahier avec un « nous » dont je veux qu’il m’englobe ?

Les écrivains que nous admirons ne peuvent pas nous servir de guides, puisque nous possédons en nous, comme l’aiguille aimantée ou le pigeon voyageur, le sens de notre orientation.

La suite parle des “réminiscences anticipées” que nous procurent ces écrivains : (ils) nous font plaisir comme d’aimables poteaux indicateurs qui nous montrent que nous ne nous sommes pas trompés, ou, tandis que nous reposons un instant dans un bois, nous nous sentons confirmés dans notre route par le passage tout près de nous à tire d’aile de ramiers fraternels qui ne nous ont pas vus.

Les citations de mon cahier douanier sont peut-être des ramiers, ou plutôt des coccinelles : peau et ailes à la fois, une peau qui se soulève en ailes.

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