Un Basque singulier dans l’Espagne du XXème siècle

Ricardo Urgoiti vu par José Luis Pastora (voir billet du 08-12)

Le 20 septembre 1979

Le 14, à Fontarrabie, est décédé Ricardo Urgoiti, illustre basque né à Zalla, qui laissera un grand vide parmi les ingénieurs, les intellectuels et les artistes. Après ses années de formation initiale où il cultive les langues, les sports et la musique (avec des dons extraordinairement précoces de pianiste et à l’occasion de compositeur), il devient ingénieur des Ponts et Chaussées. On voit déjà poindre à l’horizon un homme hors du commun. Son professeur d’électrotechnique l’envoie compléter sa formation aux États-Unis, à la General Electric où il parcourt et étudie à fond tous les secteurs de son domaine, des laboratoires de recherche au dernier des ateliers. Il s’intéresse à tout mais son imagination créatrice le tourne vers la radiodiffusion. Nous sommes dans les années 20 : né avec le siècle, il est ingénieur depuis 1921. Il revient en Espagne, travaille, lutte, et avec de très modestes moyens, devient le pionnier de la radio : il crée la Unión Radio, puis Filmófono (n.d.t : avec son ami Luis Buñuel), qui regroupait les salles de cinéma les plus importantes d’Espagne. Il invente également le « filmófono », appareil destiné à synchroniser les films muets.

De g. à d. Luis Buñuel et Ricardo Urgoiti lors de retrouvailles des deux vieux amis (je n’ai pas établi de manière sûre la date de cette photo).

En même temps, il n’abandonne jamais le sport et triomphe dans tous ceux qu’il pratique, gagnant trophée sur trophée. Il pilote de petits avions (à plus de 70 ans il passe le mur du son), prend continuellement des risques sur terre, sur neige, sur air et sur mer, toujours accompagné par la fortune.

Pendant la guerre civile espagnole, parenthèse de la patrie, il s’exile à Buenos Aires et fait des films en tant que scénariste, musicien, technicien, réalisateur, etc., en fonction des besoins. De retour en Espagne il retrouve un pays grelottant, brisé, mais qui veut vivre. Ricardo hésite, mais son père (n.d.t. un éditeur de grand renom) et Don José Ortega (n.d.t. le philosophe Ortega y Gasset) le poussent à s’intéresser à la biologie. Il écoute, réfléchit. L’heure est à la pénicilline. Il repart en Amérique et revient avec un trésor sous le bras : les antibiotiques. Il monte une société de laboratoires qui démarre avec de la pénicilline d’importation, et rapidement prend la tête des fabricants mondiaux d’antibiotiques (…) Ami du prix Nobel le professeur Chain (qui s’est éteint dernièrement), il s’acquiert, grâce à son autorité et à son talent d’homme d’affaires, l’estime et l’admiration de tous ses collaborateurs. Sa vaste culture lui permet d’être également un homme de plume qui diffuse avec un grand talent les créations scientifiques. Il nous laisse quelques articles d’astronomie à partir des débuts de l’ère spatiale, des écrits biographiques, littéraires et philosophiques. (…)

Sa vie a été la vie de son époque et c’est dans cette époque qu’elle s’y est pleinement réalisée. (…)

Sur la plage de Fontarrabie, au bord de cet océan dont il a enduré tant d’assauts, il est brusquement tombé. Son cœur avait lâché, l’eau baisait ses pieds.

Qu’il repose en paix.

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9 réponses à Un Basque singulier dans l’Espagne du XXème siècle

  1. Wikipedia
    Ricardo Urgoiti Somovilla (Zalla, 26 de julio de 1900 – Fuenterrabía, 14 de septiembre de 1979) fue un empresario de la comunicación español.

    Hijo de Nicolás María de Urgoiti. Tras finalizar la carrera de Ingeniería de Caminos en Madrid en 1921, se traslada a Estados Unidos para completar sus estudios. Paralelamente, se inicia en el mundo del deporte, llegando a ser campeón de España de esquí y motonáutica.

    Tras regresar a España funda la revista Radio Ciencia Popular, y en 1924 se convierte en el principal promotor de la creación de la emisora Unión Radio, embrión de la futura Cadena SER. Con tan sólo 25 años es nombrado director de la cadena.

    En los años treinta se pone al frente de la empresa Filmófono, de sonorización y distribución de películas.

    Tras la Guerra Civil española estuvo exiliado en Argentina, donde dirigió el filme Mi cielo de Andalucía (1942) hasta 1943, en que regresa a España. Seis años más tarde funda la empresa farmacéutica Antibióticos, especializada en la producción de penicilina.

    Hasta el fin de su vida, se consagraría a la divulgación científica y técnica.

    Su padre Nicolás María de Urgoiti y Achúcarro (Madrid, 27 de octubre de 1869-Madrid, 8 de octubre de 1951) fue un periodista, empresario y editor español, conocido por su actividad empresarial en los sectores papelero, periodístico y editorial. Fue el creador de La Papelera Española e impulsor de los periódicos El Sol y La Voz, la agencia de noticias Febus, la Sociedad de Prensa Gráfica —que editaba La Esfera, Mundo Gráfico y Nuevo Mundo— y la editorial Calpe.

  2. Luis Buñuel. Mi último suspiro (Memorias). Plaza &Janés. 1982
    “Productor en Madrid.
    De manera que me hice productor, un productor muy exigente y quizás en el fondo bastante canallesco. Encontré a Ricardo Urgoiti, productor de películas muy populares, y le propuse una asociación. Al prinicipi se echó a reír. luego, cuando le dije que podía disponer de ciento cincuenta mil pesetas que me prestaría mi madre (la mitad del presupuesto de una película) dejó de reírse y accedió. Yo no puse más que una condición: la de que mi nombre no figurara en la ficha técnica.”

  3. El País, 14/09/2000

    Ricardo Urgoiti, ¿semblanza de una época?

    https://goo.gl/BD9qCv

  4. La collaboration et l’amitié entre Luis Buñuel et Ricardo Urgoiti apparaissent clairement dans la biographie de Ian Gibson, Luis Buñuel La forja de un cineasta universal 1900-1938. Aguilar 2013. Malheureusement, Gibson n’a pu écrire le second tome.

  5. Fue miembro de la Orden de Toledo, creada por Luis Buñuel el día de San José de 1923. Noviembre de 1934, la amistad de Buñuel y Urdoiti se estrecha a partir de la exhibición de La edad de oro en el cineclub de Ricardo Ugoiti.

  6. On ne peut pas toujours prendre les mémoires de Luis Buñuel au pied de lettre. Elles ont été écrites à la fin de sa vie en collaboration avec le scénariste Jean-Claude Carrière. Il s’agit néanmoins d’un document intéressant sur ce personnage hors du commun.

    • Oui, Bunuel se montre un peu vantard :-)) Ce qui m’a touché aussi de la part de José Luis Pastora, c’est qu’il n’a pas insisté sur la notoriété d’Urgoiti père, pour ne pas faire de Ricardo un fils à papa, ce que d’ailleurs il n’était pas du tout.

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