Dernières notes sur Jonas et ses pairs

Leur puissance et leur rapidité dans l’eau sont étonnantes comparées à leur souplesse un peu lourdaude sur la terre. Mais on les sent heureux dans les deux éléments.

Contrairement à ce qu’on s’imagine des animaux non domestiqués, ils ne sont pas du tout furtifs. Ils ne se cachent pas, ne fuient pas, tiennent tranquillement leur place dans le monde, vous regardent droit dans les yeux avec une innocence tranquille mêlée de mélancolie.

Aquarelle de Yoyo à partir d’une de mes photos

Voici quelques observations attendries de Michelet (La Mer) qui leur trouve une intelligence moins grimaçante que celle des singes :

Je me souviendrai toujours des phoques du Jardin d’Amsterdam, charmant musée, si riche, si bien organisé, et l’un des beaux lieux de la terre. C’était le 12 juillet, après une pluie d’orage ; l’air était lourd ; deux phoques cherchaient le frais au fond de l’eau, nageaient et bondissaient. Quand ils se reposèrent, ils regardèrent le voyageur, intelligents et sympathiques, posèrent sur moi leurs doux yeux de velours. Le regard était un peu triste. Il leur manquait, il me manquait aussi la langue intermédiaire. On ne peut pas en détacher les yeux. On regrette, entre l’âme et l’âme, d’avoir cette éternelle barrière.
La terre est leur patrie de cœur : ils y naissent, ils y aiment ; blessés, ils y viennent mourir. Ils y mènent leurs femelles enceintes, les couchent sur les algues et les nourrissent de poisson. Ils sont doux, bons voisins, se défendent l’un l’autre.

Mais les mâles sont tyranniques. Au bord des océans se jouent des tragédies qui auraient inspiré Shakespeare et Puccini :

Seulement, au temps d’amour, ils délirent et se battent. Chacun a trois ou quatre épouses, qu’il établit à terre sur un rocher mousseux d’étendue suffisante. C’est son quartier à lui, et il ne souffre pas qu’on empiète, fait respecter son droit d’occupation. Les femelles sont douces et sans défense. Si on leur fait du mal, elles pleurent, s’agitent douloureusement avec des regards de désespoir.

Les phoques sont également décrits – avec une attention moins romantique – dans le tome XIII de L’Histoire Naturelle de Buffon.

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10 réponses à Dernières notes sur Jonas et ses pairs

  1. le guennec dit :

    Michelet après (et avant) tant d’autres en revient à cette question du langage –ou des grimaces. Pour moi, je préfère aussi le phoque au singe.
    L’aquarelle est très réussie, belle économie de moyens. Qui est Yoyoy ?
    Amicalement,

    • J’aime beaucoup les livres de Michelet sur la mer, les oiseaux, la montagne. Je crois qu’il les écrivait pour se détendre après les moments terribles qu’il devait parfois passer sur la Révolution. (D’ailleurs Danton a un petit quelque chose de Jonas, non ? 🙂 )

  2. Luce dit :

    Tu me donnes très envie de voir un phoque, je crois que je n’en ai jamais vu. Jonas est le seul à venir sur ta plage ou c’est ton “chouchou”?

    • Lulu, Je n’arrive pas tout à fait à savoir si c’est le même qui vient. Parfois j’ai l’impression que celui-ci est plus grand et je l’appelle Janus, que telle autre a de petites mamelles et je l’appelle Janis, mais je ne suis sûre de rien.

  3. Luce dit :

    Donc, à chaque fois un seul phoque? Tu n’en vois jamais plusieurs à la fois?

  4. Francis TOQUÉ dit :

    Je me souviens, quand j’étais gamin, dans le bassin circulaire du Jardin des Plantes (à côté de la tranche du tronc du cèdre multi-centenaire), il y avait un phoque. Le pauvre animal avait un œil crevé et nous l’appelions “Coco bel oeil”.

  5. Francis TOQUÉ dit :

    Je me souviens qu’il faut éviter de prononcer le nom de cet animal en Français devant des Anglais… ils peuvent le prendre très mal !

  6. Dany Pinson dit :

    Jonas, c’est Danton après son peeling et sa crème hydratante jour aux oligoéléments.
    Sur la photo du haut, Jonas a six doigts à la main gauche. Sur celle du bas, il n’en a plus que cinq, avec le sourire farceur du prestidigitateur : ”Où qu’il est passé mon doigt ?”
    Sincères félicitations à Yoyo, qui maîtrise l’art délicat de l’aquarelle dans lequel l’erreur n’est pas réparable.
    Encore des pelures de Jonas, s’il vous plaît chère hôtesse, vous nous l’avez rendu si sympathique.

    • Quel sens de l’observation ! En effet on dirait que la patte du haut a plus de griffes que celle du bas. Je vais mener une enquête. Malheureusement je ne vois plus Jonas ni aucun de ses frères depuis quelques jours. Question de saison ?

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