L’orthographe de coccyx est indéniablement antipathique avec cette agglutination de lettres de fin d’alphabet qu’il faut écrire dans un autre ordre que celui où on les prononce. À ce coccyx dyslexique et pédant je préfère l’espagnol coxis.
Le dictionnaire étymologique Bloch et Wartburg ‒ auquel je me réfère toujours avant d’exprimer une opinion définitive ‒ m’apprend que le mot vient du grec kokkyx qui signifie “coucou”, en raison de la ressemblance de cet os avec le bec d’un coucou.
Et voilà que je commence à entendre un petit claquement de bec.
Et que je pense à Arlette Miguet qui m’a offert en novembre un manuscrit où elle raconte ses 50 ans de vie à la ferme parentale en Bourgogne. Le texte a été publié le 1er décembre 2015 ‒ avec le titre Nous étions quinze à table ‒ sur le site Raconter la vie.fr créé par Pierre Rosanvallon.
On remarquera dans la marge du bas un coccyx sans rapport avec ce que dit le reste de la page. Arlette venait probablement de chercher ce mot biscornu dans un dictionnaire pour l’inscrire sur le premier papier venu, une page d’un de ces multiples cahiers où tous les jours elle se donne enfin la parole pour ressasser inlassablement son passé de fille qui “n’avait pas le bon rôle” et aucune voix au chapitre, comme beaucoup de filles dans beaucoup de lieux du monde.
L’écriture de coccyx est un peu tremblante, on voit que la lettre finale aurait voulu être un s plutôt qu’un x. Mais la rigoureuse Arlette est d’une trempe à ne déroger pour rien au monde aux règles de l’orthographe que lui enseignait Mademoiselle Yvette Menaud les jours où ses parents la laissaient aller à l’école au lieu de garder le bétail.
“C’était ma vie qui était faite comme ça”, dit Arlette. Le français aussi est fait comme ça.