C’est leur premier dîner au restaurant côte à côte, il est tourné vers elle (vers moi) et lui parle en souriant. Rien de décisif n’a encore eu lieu. Ses yeux ne se détournent pas d’elle dans l’agitation ambiante où leurs silences ne les embarrassent pas. Je ne la vois que de quart, son corps mince est retenu, légèrement penché en avant. Elle lève de temps en temps les yeux vers lui avec des sourires fugitifs. Ils sont beaux et doux, je laisse pénétrer en moi ces ondes que je leur vole. Youkiko me dit : « Ils ont la moitié de mon âge » ; je dis : « Ils ont le tiers du mien ».
Dans une arrière-salle à gauche, des collègues ont amené chacun une amie pour occasionner des rencontres. « Obligation de plaire, m’explique Youkiko. Il y a celles qui parlent, qui meublent et qui travaillent sans le vouloir pour celles qui séduisent en silence par du je-ne-sais-quoi. Je me retrouvais toujours dans le mauvais groupe, je riais, j’animais le dîner pendant que d’autres filles trouvaient discrètement l’âme sœur ».
Dans une arrière-salle à droite, un groupe de collègues hommes parle bruyamment. L’un s’éponge le visage avec un mouchoir d’un geste vif et quotidien. Ici il n’y a pas obligation de plaire.