Depuis plus de dix ans j’emprunte plusieurs fois par semaine le Passage Vendôme qui relie la Place de la République à la rue Béranger. J’ai une affection pour ce lieu à la fois préservé et malmené, tout proche et en retrait des insurrections de la Place, entre-deux rues et entre-deux statuts, inscrit aux Monuments Historiques et zone privée ouverte à la spéculation, lieu hybride comme il en existera aussi longtemps que Paris ne sera pas une ville-musée. Google m’apprend que ce passage a été créé en 1827 pour relier le Boulevard du Temple au marché du Carreau du Temple.
Sous le Second Empire il a été amputé de quatre mètres pour construire la Place de la République. Aujourd’hui, c’est une voie piétonne pour les gens qui se rendent au siège du Journal Libération, ou aux outlet stores, show-rooms, conseil & coaching, hair designers & creative stores et autres esperluettes qui poussent chaque année dans la rue Béranger.
Le Passage était dans les années 2000 peuplé de petites boutiques et de fastfood mais les choses sont en train de changer. Sur le côté gauche l’ancienne configuration survit, avec un dernier sushi bar et une dernière sandwicherie orientale, une école de langues, un cabinet d’administration de biens, une cordonnerie, et un opticien qui semble chercher à mordre sur la cordonnerie.
Mais c’est le côté droit qui a le plus spectaculairement changé. D’année en année, une pharmacie à double entrée ouverte 7 jours sur 7 et 24h sur 24 avec pignon sur Place de la République a dévoré les échoppes voisines et se coule maintenant comme un grand boa presque tout au long du passage.
Au bout du bout de ce monstre à deux têtes, sous les tags et les crottes de pigeons de la dernière boutique fermée, une dalle bleue, vestige d’un siècle passé, gît là-bas.
Pour connaître les mendiants du passage Vendôme déroulez le blog vers le billet suivant.