Je me demande parfois comment il se fait que presque tout le monde arrive à survivre à son enfance. Sommes-nous plus solides que nous le croyons ? Je relis le début des Métamorphoses, et je m’attache à Deucalion et Pyrrha, qui après le déluge repeuplent la terre en lançant des pierres derrière leurs pas. Issus de la pierre, nous sommes, dit Ovide, « une race dure, à l’épreuve de la fatigue ; nous donnons nous-mêmes la preuve de notre origine première ».
Ce mythe est plus encourageant pour les femmes que la côte d’Adam, plus vivifiant pour l’humanité que l’arche de Noé, et globalement très stimulant pour l’imagination.
Je me demande maintenant pourquoi Deucalion et Pyrrha ont inspiré aussi peu d’œuvres plastiques. On aurait pu concevoir une grande sculpture de Rodin et de Camille Claudel, lui modelant les hommes et elle les femmes. Deucalion et Pyrrha sont en effet les premiers sculpteurs, nés de la Terre et bénis des dieux. Ils sèment leur oeuvre immense au hasard sans regarder en arrière, et à l’inverse de Pygmalion, sans la ciseler et sans l’adorer. Sculpteurs aléatoires, ils laissent la matière se métamorphoser « telle qu’elle commence à sortir du marbre, à peine ébauchée, et toute pareille aux statues imparfaites », pour la laisser prendre forme d’hommes et de femmes osseux, veinés, poreux, durs, tendres, lisses, rugueux, ronds, anguleux…
Ping : Tenir un caillou dans la main | Patte de mouette, blog de griffomane