Nathalie Sarraute se souvient du mot de Picasso : « Terminer une œuvre, achever un tableau ? Quelle bêtise ! ». « Achever quelque chose c’est ‶l’achever″ », dit-elle en divers points de son œuvre. Lorsqu’elle confia de son vivant à Jean-Yves Tadié le rassemblement en Pléiade de ses Œuvres complètes, elle était en train d’écrire un autre livre intitulé précisément Ouvrez. N’ayant cure de se laisser enfermer et achever dans le prestigieux cercueil blanc, tranquille à juste titre sur sa postérité littéraire, elle disait : « Bah ! Ouvrez figurera dans une réédition ».
On peut fermer pour ouvrir et ne jamais achever de commencer.
Ceci m’est revenu en mémoire l’autre jour en lisant Un Art des passages de Pierre Dhainaut, qui répugne à imaginer pour lui une publication intitulée Œuvres complètes. Le seul titre qu’il accepterait pour un regroupement de tous ses poèmes serait celui d’un de ses recueils : Dans la lumière inachevée. L’état d’un poème est toujours provisoire, dit-il, et « les poèmes sont des avancées, ils n’ont de valeur que s’ils nous incitent, auteurs et lecteurs, à poursuivre ».