Quelle n’a pas été ma joie dimanche dernier, au Marché de la Poésie, en feuilletant l’excellente revue de belles-lettres (Société de Belles-Lettres de Lausanne) que je connaissais mal, de découvrir que la responsable en est Marion Graf, la remarquable traductrice grâce à laquelle j’ai pu lire Robert Walser ! Cette joie a tourné à l’ivresse quand je me suis aperçue que mon interlocutrice sur le stand était Marion Graf elle-même, et je me suis écriée sans réfléchir : « Quoi ? Vous êtes Marion Graf ? Je vous adore ! » (Du coup elle m’a offert un numéro de la revue). Nous avons comparé Walser à un oiseau qui sautille et s’envole sans qu’on puisse le saisir, et elle était d’accord quand j’ai dit que Walser ne cousait pas ses textes mais laissait gentiment ce soin à ses commentateurs.
Dans sa « Note de la traductrice » en postface du Territoire du crayon, elle fait état des difficultés propres au style de Walser : brusques changements de registre, flamboyants néologismes fondés sur la propension de l’allemand à agglutiner des suffixes, tendance à composer des noms génériques à partir de mots concrets : la « lainosité », enchaînements sonores du type “marabout-bout-de-ficelle », helvétismes, gallicismes précieux impossibles à rendre en français, justement…
« Au traducteur d’attraper ces flocons de neige », conclut-elle.
Quelle a été son expression, dimanche, pour définir son grand compagnonnage avec Walser ? Proximité ? Intimité ? Osmose ? Elle a le sentiment d’être son double, son alter ego.
Ceci me renvoie à une autre étonnante expérience de traductrice, trouvée dans le numéro 4 de la revue Apulée, “Traduire le monde“ : celle d’Amina Saïd avec le poète philippin Francisco Sionil José.
(A suivre)
Sur Robert Walser, ma « peau d’écriture » d’octobre dernier : http://www.lacauselitteraire.fr/peaux-d-ecriture-4-robert-walser-et-le-territoire-du-crayon-par-nathalie-de-courson