Assise sur mon strapontin orange, je lis machinalement un panneau publicitaire :
Le Français ? Fini l’imparfait, cap sur le plus que parfait !
« Ils ne croient pas si bien dire”, je m’exclame in petto. Car j’ai remarqué que la tendance actuelle est de remplacer le passé composé et l’imparfait par le plus-que-parfait. Au lieu de dire par exemple : J’ai acheté ce livre l’année dernière, on dira : J’avais acheté ce livre l’année dernière, sans y mettre de nuance particulière d’antériorité. Je ne sais pas trop quand ni pourquoi cette mode est apparue.
Il y a un autre usage actuel du plus-que-parfait que je saisis mieux et que j’appellerais « de timidité ». A partir de l’imparfait d’atténuation ou de politesse des anciennes grammaires : « Je venais vous demander… », on a créé un plus-que-parfait qui apporte une surenchère d’humilité réelle, ironique, ou hypocrite. La personne formule en tremblant (ou en feignant de trembler) une pensée ou une requête : « J’étais venu vous demander si je pouvais… » Sous-entendu : « … mais je suis prêt à me retirer sur la pointe des pieds si vous estimez que j’outrepasse vos règles sacro-saintes ou merdiques… »
A l’heure où on se plaint de la disparition de modes, temps, formes composées ou surcomposées des verbes, ces plus-que-parfaits imperfectifs ou perfectifs m’étonnent par leur molle ténacité.
Lien vers un billet d’il y a deux ans sur l’imparfait, temps onirique : http://patte-de-mouette.fr/2018/03/20/onirisme-de-limparfait/