La rétrospective des films du réalisateur de cinéma muet Viktor Sjöström qui s’est récemment achevée à la fondation Jérôme Seydoux-Pathé à Paris m’a donné envie de lire les livres de la suédoise Selma Lagerlöf (1858-1940, prix Nobel de littérature 1909). Plusieurs films (La Voix des ancêtres (1919), La Charrette fantôme, (1921)…) proposent une adaptation de ses récits.
Qu’est-ce qui m’a tout de suite saisie dans les deux livres de Lagerlöf que j’ai lus ce dernier mois ? Avant même l’évocation des îles, des forêts, des pasteurs lugubres, des morts terrifiantes, des fantômes omniprésents ?
Ce sont de toutes petites choses propres à la littérature qui m’ont permis de détacher d’emblée l’écrivaine du cinéaste. Par exemple ceci, dès la première phrase de Le Banni (1918) :
Il y a quelques années de cela, un couple – mari et femme très différents l’un de l’autre – habitait sur Grimön, une des îles de l’archipel de la côte ouest.
L’incipit est des plus classiques, à l’exception de « très différents l’un de l’autre » qui, l’air de rien, ouvre tout un éventail de possibilités narratives.
Suit, toujours classiquement, la description de l’homme :
L’homme, plus âgé de quinze ans que son épouse, avait toujours été lent et laid, et il ne s’était pas amélioré sur ses vieux jours.
« Lent et laid » : j’ai l’impression que c’est la première fois que je vois ces deux adjectifs côte à côte (ce qui par chance sonne bien en français). Accrochant par eux-mêmes l’attention, ils ont peut-être influencé le choix d’acteurs de Sjöström…
Et puis il y a, bien sûr, une infinité d’observations fines et cruelles sur les paysans, les châtelains, les juges, les plus riches, les moins riches, qui tous superposent une folle superstition à une austère religion.
Les informations que me donne Internet sur Selma Lagerlöf me la présentent comme une ancienne institutrice éminemment civique et une romancière à succès figurant sur les billets de banque suédois, mais ne dit rien de ce petit écart, cette très légère étrangeté de sa phrase qui m’ont tout de suite attirée.
tu me donnes envie de la relire
C’est quelqu’u que j’ai beaucoup aimé et lu il y a très longtemps. Magie des contes, des athmosphères oppressantes, du fantastique qui a toujours un pied dans la porte. Il m’en reste une ouverture à la fantaisie de l’imaginaire… C’est une nordique rêveuse, mais rude qui mêle si bien frimas et soleil. Oui, envie aussi de la relire, mais le temps me presse!
Un abrazo
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je viens de contrôler tous mes Selma Lagerlof sont dans ma bibliothèque de métropole mais, hasard, j’ai acheté la semaine dernière chez Emmaus “Les vertes lectures” un livre de Michel Tournier sur la littérature dite enfantine (livre, par ailleurs, surprenant, racontant plein d’histoires qui m’ont maintenue réveillée une partie de la nuit) et dans ce livre il parle du plus connu des livres de Selma Lagerlof: ” Le merveilleux voyage de Nils Holgersson.. Le livre est là, sur mes genoux, splendide dans sa reliure de cuir. Je revois mon père me l’apportant, au retour de son travail, sans ma chambre à Saint-Germain-en-Laye. C’était en 1932, j’avais donc neuf ans. Je crois bien que j’étais malade… Ce livre fétiche ne m’a jamais quitté. Il a traversé déménagements, pilages et bombardements de la guerre, cambriolages et incendies de la paix. C’est le numéro 1 de ma bibliothèque. Par lui, en effet, je suis entré en littérature. J’ai pour la première fois découvert ce qu’était un grand texte et que si je faisais quelque chose de bien de ma vie, cela ressemblerait à ce livre.”