Bastón

A l’âge de 4 ans j’ai passé des vacances de Pâques loin de mes parents dans un village de Castille où déambulait un vieillard, armé d’une béquille, que nous avions baptisé par métonymie Bastón. Le bruit courait que Bastón était un Monsieur très méchant avec les enfants et  qu’il ne fallait surtout pas s’approcher de lui. Quelque chose comme el Coco, le croquemitaine de la mythologie enfantine espagnole.

Goya, “Que viene el Coco”

Tout village a son Bastón. Ces derniers temps j’ai même été à mon tour une sorte de Bastonne parisienne. Ayant dû marcher quelque temps avec une béquille, j’ai découvert que je tenais en respect certaines personnes dans la rue : les cyclistes et les trottinettistes qui empêchent les piétons de passer.

Pendant trois semaines mon bastón m’a servi d’arme de poing et de barrière de passage à niveau.

 J’ai été el Coco des pistes cyclables parisiennes.

Au moment où je mets le point final à ce billet, un rayon de soleil sur mon canapé me donne prétexte à une citation du poème Le Soleil de Baudelaire :

C’est lui qui rajeunit les porteurs de béquilles
Et les rend gais et doux comme des jeunes filles

Magie du soleil, magie de la rime.

Cannes sculptées de  Seanie Barron

J’ai pris cette photo il y a quelques mois, comme je me promenais dans la galerie d’art brut Christian Berst à Paris. Seanie Barron (et non “Baston”) sculpte depuis plusieurs décennies, pour le plaisir, des branches qu’il ramasse sur un terrain derrière sa maison d’Askeaton, en Irlande. Aujourd’hui retraité, il choisit chaque jour une canne différente pour faire sa promenade rituelle à laquelle il ne déroge jamais, car :  “There are two things that can kill you in this life: the electric chair and the armchair.” (Deux choses peuvent vous tuer dans la vie : la chaise électrique et le fauteuil).

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