Il y a quelques années j’ai collaboré, en tant que modératrice, à un site Internet participatif où chaque personne était invitée à raconter l’ordinaire de sa vie. Je me suis souvenue hier d’un texte qui tranchait sur les autres et dont la douloureuse beauté m’avait frappée. Il était écrit par une certaine Lise Nore qui faisait état d’une relation de prostitution sado-masochiste où s’exprimait intensément sa volupté mêlée de honte, sa volupté dans la honte.
J’ai découvert un jour je ne sais comment que Lise Nore avait publié un livre dans une maison d’édition généraliste, sous un nom d’homme anagrammatique, Léon Eris. Et c’était sans nul doute un homme qui signait les exemplaires en vente au Marché de la poésie. J’ai acheté le livre ‒ un récit poétique d’enfance âpre et sans concession ‒ mais je n’ai pas osé parler à son auteur.
Ce ne serait certes pas la première fois qu’un écrivain publie un texte érotique sous un pseudonyme. Mais, dit Lise Nore pour se présenter sur le site, « j’ai quelque chose de plus qui aura fait ombre dans ma vie », et la mélancolie de ce futur antérieur me touche.
(Les noms ont été ici modifiés mais l’histoire est authentique).