Annie Ernaux parle d’un mendiant au pied de son immeuble, qu’elle a connu il y a un certain nombre d’années debout, et plus tard assis.
Elle ne dit pas ce qu’il est devenu ensuite mais on le devine : aujourd’hui de plus en plus de mendiants sont couchés, faisant revenir en moi le vers de Baudelaire :
Résigne-toi, mon cœur, dors ton sommeil de brute.
J’ai appris il y a une semaine le mot clinophilie qui ne figure ni dans mon petit Robert des années 80 ni dans le CNRTL en ligne. Mais ce terme de psychiatrie commence à passer dans le langage courant car on le trouve dans le Wiktionnaire :
La clinophilie est le fait de rester au lit, la journée, allongé, pendant des heures, tout en étant éveillé. C’est un des premiers symptômes de la dépression, ou de la schizophrénie. Les clinophiles ressentent généralement un sentiment d’isolement et de tristesse refoulée.
L’air du temps est à la clinophilie, psychique ou sociale, c’est selon. C’est la forme que prend le goût du néant quand la colère nous quitte.
Il existe aussi une clinophilie littéraire, oblomovienne, dont je ferai peut-être état un jour. Claudio Ferrandiz m’en donne ci-dessous un avant-goût en commentaire, avec l’exemple extraordinaire du romancier uruguayen Juan Carlos Onetti qui passa les 12 dernières années de sa vie au lit (il y reçut le prix Cervantes), affirmant que c’était là qu’avait lieu “tout ce qui est important”. De son côté, sa femme parlait plutôt de “paresse”.