Eclaircie à Merville

La pluie vient de cesser, la route est soudain pleine d’enfants qui s’échappent de chez eux, oubliant de fermer les portails, zigzaguant sur leurs vélos, entraînant des labradors qui menacent de renverser d’autres enfants. Les mères frappent les chiens, appellent les enfants, des attroupements se forment, les maîtres parlent de ces saloperies de gastéropodes qui envahissent les jardins, comparent leurs haies, leurs chiens et secrètement leurs enfants, scrutent le ciel comme d’autres le faisaient soixante-douze ans plus tôt entre deux bombardements.
On est entre voisins.

Un camping-car vert salade s’arrête. Un couple descend sur la route. Ce qui vient de débarquer, c’est l’autre et l’excès. Il est un excès d’arrogance : royal, il lâche trois molosses qui barrent la route et envahissent les bas-côtés, suivis d’une fillette moins haute que leurs pattes. Quelques mètres en arrière, Elle est un excès de mollesse : yeux vitreux, cheveux dénoués, elle porte sur les bras dans l’attitude d’une pietá passive un nouveau-né tête ballante. Les voisins se taisent et tiennent les labradors au collier, les enfants pétrifiés s’arrêtent, le cortège passe.

Les premières gouttes tombent : on se salue et on rentre chez soi. L’empereur, les molosses, la fillette et l’impératrice molle courent se réfugier dans le camping-car vert salade.

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