La femme humble

Les mendiants du Passage Vendôme ne sont pas des mendiants ordinaires. Pendant longtemps j’y ai croisé un être balzacien, comme « impliqué » par le lieu, qui faisait la conversation sans mendier et à qui les habitués donnaient quelques sous. Il s’attablait à un des restaurants et chassait les SDF qui voulaient occuper le terrain : « Si tu fais du désordre c’est moi qui prends, si tu pisses dans l’Passage, c’est moi qui’s fait engueuler. » Depuis l’extension de la pharmacie je ne le vois plus.


De temps en temps, à l’entrée Béranger, tout près de la plaque J. Labat, se tient sur le seuil de sa pauvreté une dame qui vend des marque-pages disposés dans un joli panier. Je lui en ai acheté deux mais je n’avais pour les payer que des pièces jaunes et rouges. Comme je m’en excusais elle m’a rassurée : ― On m’a dit qu’il fallait que j’accepte les petits sous comme ça. Au début je n’en voulais pas mais il faut être humble, je vais être humble.
Je lui ai répondu à ma propre surprise : ― Je me dis parfois la même chose. Mais vous, vous n’avez rien à craindre parce que vous avez une dignité naturelle.
Elle m’a remerciée et m’a offert un petit carton décoré pour « marquer la place des invités à table ».
Je lui ai dit : ― Je n’ai pas assez souvent d’invités pour avoir besoin d’un tel carton, je ne suis pas mondaine.
Elle a souri : ― Oui, c’est plutôt pour les gens mondains ou les artistes.
J’ai souri aussi : ― Je ne suis pas artiste non plus. Je suis…
― Vous êtes vous-même.

J’espère qu’elle a raison.

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Une réponse à La femme humble

  1. Azire dit :

    C’est comme si on l’avait croisée, cette petite dame… Un petit mot dans la bouche d’une petite bonne femme humble qui vous fait réfléchir…

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