Je dirais du mot ombre la même chose que du mot silence : dans un titre de livre ou de film il donne toujours envie de s’exclamer : “Quel beau titre !”
Une des grandes beautés du titre Mémoires d’outre-tombe est que l’on y entend le mot ombre mais qu’il n’y figure pas. Le titre entre en assonance avec les ombres ‒ dont celle de Chateaubriand ‒ de tous les disparus qui déambulent dans l’œuvre.
Une des grandes beautés de ce vers de Verlaine :
D’où tombe un noir silence avec une ombre encor « Dans les bois » (Poèmes saturniens)
réside dans ces e muets qui ponctuent le silence d’une ombre impalpable, un instant suspendue, puis tombant sur le vers suivant :
Ces grands rameaux jamais apaisés comme l’onde,
D’où tombe un noir silence avec une ombre encor
Plus noire, tout ce morne et sinistre décor
Me remplit d’une horreur triviale et profonde.
L’instabilité rythmique et la présence de nasales dont une ombre est l’écho font trembler les vers, préparant musicalement l’horreur qui se dit à la fin du quatrain.