J’ai en ce moment un cahier sans marge et je m’aperçois que je préfère les cahiers qui en ont. On croit que les marges brident et scolarisent mais ce n’est pas mon cas, au contraire. Les marges donnent le loisir à l’oiseau qui fait « ui » dans ma tête de me suggérer une issue vers un autre lieu que celui où je crois aller. Je m’y renchéris, je m’y contredis, j’y détache quelque chose, j’y inscris “p.d.m.”, signifiant que j’ai la base d’un billet « patte de mouette », comme ceux qui suivent ici.
Je sais qu’il existe un certain nombre d’écrivains (par exemple Claude Royet-Journoud) qui n’écrivent que sur la page de droite de leurs cahiers, réservant la page de gauche à une nouvelle version décantée. C’est la moitié du cahier qui devient marge et c’est dans cette marge que s’élabore l’essentiel.
Nuages
Quand je suis dans mon jardin de l’arrière, assise le soir à l’abri du pin et des bambous, je pense souvent à la phrase de Baudelaire : — J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages !
Mais je les sens tellement à moi dans ces soirées d’été que je me dis : — J’aime les nuages… ici… ici… mes ravissants nuages.
Echec
Antoine Emaz rapporte dans Cambouis cette anecdote :
Diogène mendiant face à une statue : un passant l’interroge sur l’absurdité de son geste puisque la statue ne peut rien lui donner. Réponse superbe de Diogène : « Je m’exerce à l’échec ».
Diogène “rate mieux” encore que Beckett.