Mièvreries

Je trouve fascinante la manière dont, au cours des siècles, le sens des mots se transforme et s’inverse. Je voulais l’autre jour parler de la « mièvre empathie » ou du « mièvre ressenti » car les sonorités de ce mièvre me semblaient aussi molles en bouche que les deux notions auxquelles je les appliquais. Mais en parcourant Le Malade imaginaire je suis tombée sur Monsieur Diafoirus présentant son benêt de fils Thomas : « Lorsqu’il était petit, il n’a jamais été ce qu’on appelle mièvre et éveillé. On le voyait toujours doux, paisible et taciturne (…) » (II, 5). Une note signale : « Mièvre : Se dit d’un enfant vif, remuant, et un peu malicieux » (Dictionnaire de l’Académie, 1694). Et voilà que mièvre assone avec éveillé et va rimer dans ma tête avec lièvre.

Je m’étonne que notre sensibilité cratylienne aux sonorités des mots soit inconstante au point qu’un mot autrefois pétillant a aujourd’hui une saveur de guimauve.

Notre oreille devient aussi très délicate quand on lui demande son avis sur des mots français nouveaux (les mots « globish », eux, entrent sans frapper). Des discussions ont porté récemment sur la féminisation de noms de métier. « Autrice » notamment, féminin d’ « auteur », apparaît et disparaît régulièrement en France depuis le Moyen Âge (comme l’a étudié Aurore Évain), et déclenche des discussions : —  Ça sonne mal ! — Ben, on dit pourtant actrice et factrice… — Ah, mais autrice ça fait autre triste ! — Ben, c’est une question d’habitude…  — Ah non, mais ça fait vraiment autruche autiste ! Etc.

Simone de Beauvoir

On sait qu’autrice est aujourd’hui admis par l’Académie en concurrence avec auteure (que personnellement je préfère), c’est l’usage qui décidera. Du moment qu’il y en a un…

 

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Une réponse à Mièvreries

  1. marie-paule Farina dit :

    ou une… 🙂

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