Je voudrais ajouter à mon billet d’avant-hier sur Diderot un portrait du philosophe. J’ai assez vite fait d’éliminer celui de Michel Van Loo qu’il n’aime guère car il s’y trouve « trop jeune, tête trop petite, joli comme une femme, lorgnant, souriant, mignard, faisant le petit bec, la bouche en cœur. (…) Que diront mes petits-enfants, lorsqu’ils viendront à comparer mes tristes ouvrages avec ce riant, mignon, efféminé, vieux coquet-là ! Mes enfants, je vous préviens que ce n’est pas moi. (…) » (Salon de 1767).
S’il s’agit de faire plaisir à Diderot, choisissons celui de J.-B Garand : « On refait de moi un portrait admirable. Je suis représenté la tête nue ; en robe de chambre ; assis dans un fauteuil ; le bras droit soutenant le gauche, et celui-ci servant d’appui à la tête ; le col débraillé, et jetant mes regards au loin, comme quelqu’un qui médite. Je médite en effet sur cette toile. J’y vis, j’y respire, j’y suis animé, la pensée paraît à travers le front » (Lettre à Sophie Volland du 17 septembre 1760.)
Le philosophe y est en effet moins mignard, mais pas vraiment débraillé et nettement plus guindé que celui de Fragonard qui figurait dans mes manuels de littérature.
Hélas, on sait depuis quelques années que ce portrait ne représente pas Diderot. Le cartel du musée du Louvre est formel et sévère : « Figure de fantaisie autrefois identifiée à tort comme Denis Diderot”.
“Fantaisie”, “à tort”… mais le modèle de ce tableau « y vit, y respire, y est animé, la pensée paraît à travers le front ». Alors, qu’importe qu’il y ait erreur si l’erreur est juste ?
Admirable époque qui prenait le temps de méditer un portrait.
Aujourd’hui on vous le tire à tout va. Le temps n’a pas le temps d’y inscrire sa griffe. Seule, sa cruauté y laisse une marque. Qui s’attarde encore sur ces reflets d’un jour? Bien amicalement. Jacques