Nouveaux mots
Le suffixe en -el ou en -iel est à la mode :
On ne dit plus « un mode d’emploi » on dit « un tutoriel »
On ne dit plus « une image » on dit « un visuel »
On ne dit plus « sur place » mais « en présentiel »
On ne dit plus de quelqu’un qu’il fait globalement de la com mais de « l’événementiel » (branche particulière de la com).
On ne dit plus de quelqu’un qu’il a un caractère de cochon mais qu’il n’a pas “un bon relationnel ».
(etc.)
Je n’ai rien à dire sur ce suffixe, sauf que -iel sonne mieux que -ing et qu’il vaut peut-être mieux faire de l’événementiel en présentiel que du marketing en streaming.
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Lecteurs du poète de Pondichéry
Diderot ne nous dit jamais si le poète de Pondichéry (cf sur ce blog le billet du 17 février) a eu des lecteurs. Peut-être n’en a-t-il eu aucun. Continuer toute sa vie à écrire sans espoir d’accrocher un lecteur autre que ce philosophe qui lui dit que ses poèmes seront toujours aussi mauvais, quelle situation intenable ! Pour continuer à écrire il faut être lu par une ou deux personnes à peu près bienveillantes. Espérons que les richesses acquises à Pondichéry auront au moins valu à son poète quelques éloges intéressés.
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Sur trois ou quatre libertés
Le cinéaste Kiarostami disait : « Il faut envisager un cinéma inachevé et incomplet pour que le spectateur puisse intervenir et combler les vides ».
Montesquieu exprime quelque chose de comparable : « Il ne faut pas toujours tellement épuiser un sujet qu’on ne laisse rien à faire au lecteur ».
Cette phrase est située à la fin du livre XI de L’Esprit des Lois : il y est question de “rechercher, dans tous les gouvernements modérés que nous connaissons, quelle est la distribution des trois pouvoirs, & calculer par-là les degrés de liberté dont chacun d’eux peut jouir. »
Liberté dont dispose chacun des trois pouvoirs, liberté des citoyens sous un gouvernement modéré, liberté de penser du lecteur, liberté d’imaginer du spectateur de Kiarostami.
Sur le premier paragraphe : “iel” et “ing” me semblent aussi détestables. Boursouflures et empreints signent l’indigence d’une langue qui ne s’aime plus elle-même. Triste.
Sur le deuxième : tout à fait d’accord. On n’écrirait pas sans un lecteur virtuel. Quand il s’incarne enfin, c’est la fête.
Sur le troisième : tellement vrai qu’un espace vide permet à l’imaginaire de s’envoler.
Nous vivons dans un monde saturé qui ne permet plus de respirer. Le confinement ouvre peut-être une brèche pour certains…
Un abrazo Jacques R.
Sur le 1. “Boursouflure” est le mot.
Sur le 2. Je te lis me lisant et c’est pour moi la fête.
Sur le 3. Rien de plus…
Un abrazo.
“en présentiel” pour “sur place” me paraît vraiment une preuve de la merveilleuse inventivité linguistique de notre époque, heureusement tout passe, nous avons déjà presque oublié les créations époustouflantes du ministère de l’éducation au moment de la réforme du primaire de Najat Valaud-Belkacem pour en revenir aux bons vieux “stylo” et “ballon”mais peut-être ceux et celles qui ont meilleur relationnel que le mien pensent-ils autrement mais mon mauvais relationnel ne m’empêche pas de prendre toujours plaisir à te lire 🙂
Merci, Marie-Paule, pour ton esprit satirique. Je ne sais pas si on a renoncé ou non à l’orthographe inclusive, autre invention récente bizarre…
Tiens, j’y pense, en me promenant ce matin dans mon quartier, j’ai pris une photo pour toi. je te l’enverrai via Facebook.
Pour l’orthographe inclusive c’était la grande mode il y a 5 ans pour mes “débuts” sur FB, j’avais essayé de m’y mettre un peu mais c’était tellement long à écrire et de fait illisible que j’y avais très vite renoncé et je crois que même les féministes pures et dures ont dû, en catimini, y renoncer pour les mêmes raisons