Sur la question des lieux intérieurs que j’abordais lundi, voici un message de Jacques Robinet qu’il me laisse amicalement publier ici.
“Tu l’as compris, je parle d’un lieu irradié d’un amour, ressenti comme dangereux ou interdit. Lieux de l’enfance qui parfois nous devancent car ils sont ceux que notre mère habitait avant même notre naissance. L’Espagne est indissolublement liée au maternel et à la propre enfance de ma mère qui était hantée par les paysages de la Mancha où elle avait vécu de sept à treize ans, plus ou moins. J’ai attendu sa mort pour aller visiter ce pays perdu. Ce fut un choc, tant la beauté de ce que je découvrais correspondait parfaitement à l’imaginaire que je portais en moi.
Voilà pour l’anecdote. Mais plus avant, je suis frappé par le lien qui existe entre les lieux et ce que nous y avons vécu. Ainsi Paris est devenu pour moi une ville pleine de repères secrets. Je ne peux passer dans certaines rues où j’ai habité sans me retrouver violemment replongé dans une époque de ma vie. Tout se passe comme si nous ne cessions jamais de reconstruire la matrice de notre vie utérine. Je le sens ici même dans cette maison que j’ai adoptée il y a dix-sept ans, que je trouvais ingrate au début et que je ne peux plus quitter longtemps sans un peu d’angoisse et de regret.
Bien sûr tout cela peut sembler étrange à qui n’a pas l’expérience de l’analyse, mais c’est ce que je ressens sans étonnement aujourd’hui. Nous ne cessons de recréer des “demeures fugitives” (titre d’un beau récit de Mauriac) pour survivre à la perte du lieu originel, le “lieu secret”.”