J’ai oublié de mentionner un désavantage, quand on est le plus petit des grands d’une famille : on marche plus lentement que les autres et on reçoit des remarques cinglantes : “Allez, traîne-savate, encore à lambiner ?” Et on regarde avec chagrin ses petits pieds et ses petites bottes.
Je saute à une anecdote récente : au retour de mes courses je dépasse sur la route une femme qui me dit, mi cordiale mi dépitée : « Vous marchez d’un bon pas, vous ». Moi : «Oui, j’aime bien marcher vite ». Elle : « J’étais comme ça avant mais maintenant… J’ai eu mon frère, j’ai eu maman (comprendre qu’ils sont morts)… je me levais tôt en attendant les infirmières… maintenant c’est fini, j’arrête, je me presse plus… à mon âge… » Je l’observe en coin : ses cheveux sont soigneusement colorés et son visage est assez plein. Je dis : « Je suis sûre que vous êtes plus jeune que moi ». Elle : « Quel âge avez-vous ? » Moi : « 6…, et vous ? » Elle : « 6… ». Moi (pour dissimuler ma satisfaction des deux années que j’ai de moins) : « Ah, comme mon mari ». En arrivant à ma barrière j’ajoute ce cadeau : «Mais je vous donnerais cinquante-trois ans ».
Plus de « mon frère » ou de « maman » qui tienne ; ma vieillarde repart comme chaussée de bottes de 7 lieues.