Parmi les citations célèbres de Thomas Edison, l’inventeur de l’ampoule électrique et de mille autres choses, il y a ceci : « Je n’ai pas échoué. J’ai juste trouvé 10000 solutions qui ne fonctionnent pas ». Edison est également l’auteur de la phrase que l’on a attribuée, avec des variations dans les pourcentages, à Beethoven et à Paul Valéry, et que l’on enseigne aujourd’hui dans les Écoles de Commerce : Le génie est fait de 1% d’inspiration et de 99% de transpiration.
Si on supprime le mot « transpiration » qui ne lui ressemble pas du tout, et qu’on le remplace par « travail », Edgar Poe aurait pu émettre cette idée. Comme le rappelle Baudelaire, dans ses Notes nouvelles sur Edgar Poe :
Autant certains écrivains affectent l’abandon, visant au chef-d’œuvre les yeux fermés, pleins de confiance dans le désordre, et attendant que les caractères jetés au plafond retombent en poème sur le parquet, autant Edgar Poe — l’un des hommes les plus inspirés que je connaisse — a mis d’affectation à cacher la spontanéité, à simuler le sang-froid et la délibération.
Baudelaire dit aussi dans son préambule au récit Genèse d’un poème où Poe explique comment il aurait composé Le Corbeau : « Il répétait, lui, un original achevé, que l’originalité est chose d’apprentissage (…) S’est-il fait, par une vanité étrange et amusante, beaucoup moins inspiré qu’il ne l’était naturellement ? » Très probablement, pense Baudelaire qui ajoute : « Après tout, un peu de charlatanerie est toujours permise au génie, et même ne lui messied pas. »
Il y a dans notre siècle gris-bleu des poètes qui font également entrer ‒ désormais sans charlatanerie car plus personne ne se dit génial ou inspiré ‒ le lecteur dans leur atelier, leur salle de sport ou leur cuisine. Ils y exposent leurs outils ou expliquent leurs recettes avec une franchise et une simplicité dont je leur sais gré. J’entends le petit “pfft” de certains exigeants : « Est-ce de la littérature, ces fonds de tiroirs ? Pourquoi publier ça ? Narcissisme ? Quels comptes l’auteur cherche-t-il à régler ? » Mais on peut aussi, comme moi, éprouver beaucoup de gratitude et de plaisir à découvrir comment un écrivain est devenu au fil des jours et des années ce qu’il est. Je parlerai à ce sujet, dans un prochain billet, des Livres et la vie du poète et traducteur Jacques Ancet.
Impatient. J’admire beaucoup Jacques Ancet comme traducteur et comme poète. A ver cuando podemos ir a Madrid sin problema…
Je l’admire aussi. Quant à Madrid, j’y pense à peu près tous les jours…
C’est admirable cette réserve d’Edgar Poe, mais c’est un peu froid. Il y a quelque chose de protestant là-dedans, à l’opposé du catholicisme plus ou moins mal refoulé de Baudelaire, avec sa sensualité et ses terreurs-attractions pour l’interdit, le péché.
J’aime comme toi la libéralité des “fonds de tiroirs”, les confidences, les tremblements du cœur etc. Quelle bonne idée de parler de Jacques Ancet, magnifique poète et grand traducteur de l’espagnol!
Et pour ce qui est de Madrid, tu le sais, c’est pour moi comme ces membres-fantômes qui vous font mal de s’être absentés!
Un abrazo