L’adjectif beau
Je le lis ou l’entends de plus en plus souvent avec des noms qui auraient naguère demandé l’adjectif bon : “c’est une belle personne”.
Quand on me souhaite “une belle journée, une belle année, de belles vacances, un bel anniversaire”, j’ai l’impression qu’on me passe doucement sur le ventre une lotion à l’huile végétale de jojoba.
Correcteurs orthographiques
Mon correcteur orthographique de Word n’a aucune idée des accords du français et me met au supplice. Voilà qu’il m’a souligné l’autre jour en vert l’expression : “répéter n’est pas radoter”, pour me proposer à la place : “radoté”. Quelques jours avant il m’avait suggéré de la même manière : “c’est moi qui devient”, au lieu de “c’est moi qui deviens”.
La dernière y restera ?
La dernière, c’est le e final. C. M. signalait à juste titre l’anglicisme injustifié du mot “pass” dans un usage français récent, alors que le nom commun “passe” est à notre disposition depuis belle lurette pour désigner les permis de passer (qui existent aussi depuis belle lurette). Il semble que certains journaux adoptent maintenant cette dernière orthographe ; tant mieux.
“Pass”, “escort”… (petite satisfaction : le correcteur orthographique me les souligne en rouge) : je trouve dommage quand disparaît de notre langue ce e dit caduc, muet, léger, ambigu, instable, variable “… avec une ombre encore”*.
Hocher la tête
Aveu : j’ai toujours des difficultés avec cette expression qui signifie, dit le dictionnaire, “secouer la tête de droite à gauche ou de haut en bas” (le correcteur orthographique souligne en vert et me propose “secoué”…).
Je n’arrive pas à me représenter un hochement de tête autrement que de haut en bas, affirmatif. C’est peut-être tout bêtement à cause des hochets de bébé, ou alors du général Hoche (1768- 1797) qui n’a pas dû hocher dubitativement la tête très souvent face aux Prussiens et aux Autrichiens au cours de ses 29 années de vie.
* Verlaine, « Dans les bois », Poèmes saturniens.
Ma vie ayant été transformée par les correcteurs orthographiques, je n’ose pas trop m’en plaindre…
Depuis peu, j’utilise ANTIDOTE, un correcteur orthographique Canadien, extrêmement pointilleux, et qui me fait bien rire avec ses suggestions. Mais souvent très intéressant.
Comme c’est juste et intéressant ce glissement des mots qui semblent toujours en quête d’un miel plus sucré. Bonté et beauté peuvent-ils s’intervertir aussi facilement? Les théologiens diront qu’ils sont tous deux des attributs de Dieu, mais justement nous ne sommes pas Dieu et tout ne se confond pas en nous! Je n’aime pas cette dérive de la langue vers un plus de douceur ou une crainte de la rigueur.
J’aime beaucoup ce rapport entre hochement de tête, hochet et Hoche. La métonymie joue à plein et dit bien la fluidité de ton inconscient. Bravo!! Un abrazo
Ps_ Tu dois avoir un correcteur d’orthographe plus évolué que le mien, qui ne me pousse jamais dans ces traquenards! Il renonce à accorder les verbes!
Tes commentaires me mettent toujours en joie et celui-ci est un chef d’oeuvre ! (Tiens, “d’oeuvre” est souligné d’une vague rouge. Contrairement à toi j’ai toujours quelqu’un ou quelque chose qui me dit “c’est pas ça”. Mais là, le correcteur me propose “œuvre”, avec e dans l’o. C’est un bon et beau miracle.)
Merci de prendre ainsi à bras le corps mes divagations pour leur donner cohérence et profondeur !
Trop belle votre note d’humeur, Nathalie, c’est moi que je vous le dit, sans dodeliner.
Et votre correcteur, qu’esquidi ?
Oui, cet E muet est essentiel. Quand je suis de bonne humeur (de belle humeur ?) je le marque légèrement comme font les gens dans le Midi : Alphonse Daudet et sa petite chèvre ! Avec une nasale, dans “Alphonse”, qui ne l’est pas vraiment; et un “et” dans le nom de famille qui l’est un petit peu.
Quant à votre correcteur, il est à jeter. Trouvez-en vite un autre.
Amicalement,
“De belle humeur” me va aussi car je crois avoir lu cette expression dans Nietzsche (ouf, le correcteur ne me souligne rien dans ce nom).
Je me pique d’ailleurs de ne pas chercher de correcteur. Je cherche seulement à chasser ceux qui se collent à moi comme des spams et le “Bing” de Microsoft.
Merci Nathalie. C’est excellent, tout ça.
La belle personne ne t’a pas échappée. Ouf ! Comme on se sent moins seule ! Une belle personne particulièrement horripilante… mais il y en tant et tant d’autres.
Les mots fourre-tout (et n’importe quoi) sont odieux également. Et là me vient le verbe impacter qui me hérisse le système pileux chaque fois que je l’entends !
Amitié,
Merci à toi, Catherine. Je trouve ce que tu dis très mature 🙂