Lecture sur l’oreiller

C’est une joie, la nuit, de picorer sur l’oreiller quelques Notes de chevet de Sei Shônagon, dame d’honneur à la cour impériale du Japon dans les premières années du XIème siècle.

On est étonné de cette écriture au fil du pinceau, si loin de nous dans le temps, l’espace et l’univers évoqués ; parfois étrange et parfois singulièrement familière dans sa précision, sa pertinence et sa liberté.

Les notations prennent souvent l’apparence de listes qui peuvent se développer en petites scènes.

Dans la liste des Choses détestables :

Un visiteur qui parle longtemps alors qu’on est pressé. Si c’est quelqu’un de peu d’importance, on peut le congédier en lui disant : « Plus tard ! » mais si c’est un homme avec qui l’on doit se gêner, la chose est très détestable.

En frottant le bâton d’encre de Chine sur la pierre de l’écritoire, on rencontre un cheveu qui s’y est introduit. Ou encore, un petit caillou était caché dans ce bâton d’encre, et il grince : « gishi-gishi ».

Parmi les Choses contrariantes, en voici une que connaissent tous les gens qui écrivent :

On envoie soi-même un poème à quelqu’un, ou bien on répond par une poésie à celle qu’un autre vous adressa, puis, après que l’on a écrit et envoyé ces vers, on pense à corriger un ou deux mots.

En voici une autre, que connaissent tous les gens qui éteignent leur ordinateur en oubliant d’enregistrer leurs documents :

On a cousu quelque chose à la hâte, on croit avoir fini ; mais quand on tire le fil de l’aiguille, on s’aperçoit qu’on n’avait pas noué, en commençant, le bout du fil.

Et parmi les Choses gênantes :

Un homme récite ses propres poésies, que l’on ne trouve pas particulièrement belles, et rapporte les louanges que les gens en ont faites.

Cette dernière notation nous est particulièrement cuisante à  l’ère des réseaux sociaux !

Avec des illustrations de Hokusaï, relié en tissu à la japonaise, édité en 2014 par Citadelles et Mazenod dans la traduction d’André Beaujard (du moins je le suppose, car aucun nom de traducteur ne figure sur la couverture. La version Gallimard est plus maniable en lecture de chevet).

Pour une lecture plus détaillée du livre, voici un autre blog de lectrice : http://textespretextes.blogspirit.com/archive/2011/10/06/une-dame-de-la-cour.html#article-comments

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2 réponses à Lecture sur l’oreiller

  1. Tania dit :

    Ravie de lire votre billet de lecture sur ce grand classique et les citations choisies. L’édition illustrée par Hokusaï est si belle !
    Merci pour le lien vers mon blog et votre commentaire, cela tisse des liens précieux dans la blogosphère.

  2. Dany Pinson dit :

    On n’ose plus laisser de commentaire, de peur que…
    Ce livre est magnifique.

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