Ce que je disais l’autre jour sur Jon Fosse pourrait donner à croire qu’il s’agit d’un écrivain un peu illuminé. Ces quelques lignes montreront que sa ferveur le porte vers les choses les plus simples et les plus concrètes.
Le narrateur de L’Autre nom, le peintre Asle, a pour voisin un vieux pêcheur nommé Åsleik. Les deux hommes comparent leur activité et se demandant mutuellement s’ils ne sont pas fatigués de faire toujours la même chose. Åsleik, vexé de la supériorité qu’a l’air de s’accorder Asle sur lui, affirme que la pêche apporte plus de bon sens que la peinture et moins de monotonie. Citons-le (bien que ce ne soit pas facile de découper une tranche de texte chez Fosse et que les remarques du narrateur s’interposent dans les propos d’Åsleik):
(…) pêcher c’est quelque chose qu’on entreprend de faire, quelque chose qu’on fait, c’est une action, oui, un acte concret, il utilise les grands mots mais là il peut se le permettre, il dit, et quand on effectue cet acte concret, donc la pêche, on le fait pour la première fois, et par la suite on le refait, et on le refait encore, oui, ça aussi il faut le dire, il dit, Åsleik, et à la fin on a acquis tout un tas de connaissances sur la pêche, où le poisson séjourne, quand il mord, on apprend plein de choses au sujet des balises et des marques, car chaque balise et chaque marque ont leur propre rôle, tu en as certaines qui sont utiles à marée haute et tu en as certaines qui sont utiles à marée basse, et je ne te parle même pas des courants ! (p. 129)
Peut-on dire plus clairement ce que c’est que faire ?