J’ai dans la rue un désir constant de renseigner les gens même quand ils ne me le demandent pas. Il suffit que je leur trouve un air perdu, qu’ils tournent la tête à droite et à gauche ou qu’ils regardent leur téléphone à l’endroit et à l’envers pour qu’en les croisant je me donne un air amène qui les pousse à me demander leur chemin.
Ce matin boulevard Richard Lenoir une dame demandait à une autre où était le métro et il me semblait que l’autre répondait vaguement. Je suis intervenue avec autorité et gestes précis pour dire que le métro Richard Lenoir était à gauche après le square, et le métro Oberkampf tout droit, puis à droite, sur le boulevard Voltaire, juste après la quincaillerie. J’envisageais toutes les possibilités et accumulais les détails, prise d’une frénésie de renseigner.
Mais je ne suis pas tranquille après avoir renseigné : est-ce bien après le square que se trouve le métro Richard Lenoir ? N’aurais-je pas mieux fait de dire : « entre deux squares », ou : “après le grand carrefour avec le boulevard Voltaire et la rue Saint-Sébastien » ? Si elle prenait le métro Oberkampf, n’aurais-je pas dû m’assurer qu’elle était déjà munie d’un ticket ou d’un passe Navigo, et dans le cas contraire lui indiquer l’autre bouche de métro, en montant vers République, qui possédait des distributeurs de tickets ? Je peux courir après les gens pour ajouter quelques précisions, puis les suivre des yeux pour voir s’ils ont bien tout compris.
Je vais pousser plus loin les aveux. Il m’arrive de donner d’un ton assuré des renseignements faux, de dire gauche au lieu de droite, de dire monter au lieu de descendre et de confondre des rues. Car, disons-le une fois pour toutes, je suis totalement dépourvue de sens de l’orientation. Mais comme les fous qui deviennent psychiatres, je suis une égarée qui a besoin de renseigner.