J’ai beau ne pas m’ériger en vestale de l’orthographe (on a tous des moments d’inattention), il y a des choses qui me chagrinent. Par exemple, cette confusion croissante que je trouve aujourd’hui dans les œuvres littéraires les mieux écrites et les plus soigneusement éditées entre quoique et quoi que.
Ce lapinot trouvé sur Google ne résout pas grand-chose car la situation est encore pire pour quelque/quel(le) que soit– déformé parfois en tel(le) que – / quelque que.
J’en ai composé une autodictée :
– Quoi que je fasse on me dit : « À refaire ».
– Quoique je travaille bien on me dit : « À refaire ».
– Quelle que soit mon ardeur au travail on me dit : « À refaire ».
– Quelque grande que soit mon ardeur au travail on me dit : « À refaire ».
Toutes ces conjonctions servent à exprimer la relation de concession. Je n’arrive malheureusement plus à mettre la main sur une vieille grammaire de 4ème/3ème que j’utilisais avec mes élèves et qui abordait “les subordonnées d’opposition et de concession” avec beaucoup de simplicité et de clarté. Je me rabats sur la non moins vieille Grammaire du français classique et moderne de Wagner et Pinchon qui donne une définition de la concession :
Quand une action ou un état semblent devoir entraîner une certaine conséquence, l’opposition naît de ce qu’une conséquence contraire, inattendue, se produit. C’est ce qu’on nomme la concession ou la cause contraire.
À la différence de l’opposition dite « simple », la concession est donc un choc entre une cause et une conséquence non voulue, comme dans mon autodictée. Ceci me rappelle à quel point les relations d’opposition, de cause, de conséquence, de temps et de condition sont mêlées. Par les exemples de Wagner et Pinchon, on comprend ensuite que la phrase suivante de Supervielle contient une opposition “simple”, avec une nuance plus temporelle que causale :
Et tu n’as pas honte de diriger le pillage d’un bateau, quand tu prétends être notre directeur de conscience.
Et celle-là, de Balzac, contient une concession, c’est à dire une “cause contraire”, entraînant cette fois une compensation :
Quelque grossière que soit une créature, dès qu’elle exprime une affection forte et vraie, elle exhale un fluide particulier.
Il y a dans cette dernière phrase concessive une façon généreuse de rendre justice aux choses et aux gens, une sorte de fair-play qu’un élève de 3ème comprend tout de suite : concéder un corner au foot, c’est l’accorder à l’adversaire.
Mais cette élégance de la concession lui permet aussi d’être une arme rhétorique à fleurets mouchetés que les universitaires connaissent bien. C’est l’art perfide de faire semblant d’accepter un argument pour garder l’avantage et mieux couper le sifflet à l’autre : “Certes, vous direz que… (long développement onctueux) mais… paf.”
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Ah, Nat, merci pour ces explications, mais je ne pense pas qu’elles m’aident autant que mon cher correcteur Antidote, qui lui, fort heureusement, sait me signaler les confusions entre ces conjonctions.
Quoique cela me couvre de honte, j’en suis réduite à confier mon cerveau à une machine.
Voici le message d’Antidote:
quoique/quoi que – Ne pas confondre quoi que (en deux mots) et quoique (signifiant « bien que » ou « malgré le fait que ».
Bien bonjour à la plage de ma part,
Luce
Et que penser de la confusion entre dénoter et détonner ! Elle est partout.
Et tache/tâche !
N’utilisant pas Antidote, il m’arrive de tomber dans un piège par inattention. C’est pourquoi ton “autodictée” me semble excellente. Mais l’expérience me prouve que le plus simple est de te soumettre un manuscrit avant de l’envoyer à qui de droit! M’a-t-on jamais appris les subordonnées de concession et d’opposition ? Il faut avouer que j’étais aussi mauvais élève en grammaire qu’en calcul. Le saltimbanque que je suis est parvenu à s’en tirer sans trop de casse, mais je marche parfois encore sur un fil!
Un abrazo
Bonsoir Nathalie. Quelqu’amusant que votre billet soit (vos beaux yeux d’amour mourir me font), il m’a rempli d’horreur devant mon incapacité à énoncer les règles qui gouvernent l’utilisation de quoique et de quoi que.
Et franchement, je ne me souviens pas qu’en 4e ou en 3e, j’aie été confronté à des énoncés aussi rébarbatifs que celui de Wagner & Pinchon. Faisions-nous encore de la grammaire à 12 ou 13 ans ? Je ne m’en souviens pas, c’était il y a si longtemps…
Quant à votre autodictée, quoique d’orthographe impeccable, elle manque de virgules, quoi qu’on en pense. À refaire.