J’ai griffonné l’autre nuit dans un début de réveil :
« Cette volatilité de tout. Des pensées comme des moineaux. Volatilité mais insistance. Retour, volonté. Volontilité. »
Au matin, une journaliste de France Inter conseillait de compter les oiseaux de notre jardin et de transmettre le résultat à un observatoire.
Compter des oiseaux ! Leur dire, comme aux élèves qu’on emmenait en excursion : “Bougez pas, on vous compte.”
Me revient le poème de Henri Michaux L’oiseau qui s’efface (La Vie dans les plis) :
Il bat de l’aile, il s’envole.
Il bat de l’aile, il s’efface.
Il bat de l’aile, il réapparaît.
J’ai l’impression qu’on supporte aujourd’hui moins bien qu’au siècle dernier de voir un oiseau en cage. Tous les jours je passe devant un fleuriste qui étale sur le trottoir des plantes luxuriantes au milieu desquelles trois perruches pépient derrière leurs barreaux d’une manière qui me semble pathétique. Sachant que les perruches se sont bien acclimatées à l’Ile de France, j’ai à chaque fois le projet de les acheter pour les libérer comme faisait Léonard de Vinci.
Après une vingtaine de pas je les oublie.
Volontilité.
(D’ailleurs elles ne sont pas à vendre).
Nous ne sommes pas à l’île de France, chère Nathalie. D’ailleurs imaginer du mal-être chez la perruche en cage (chez la méruche de même) c’est anthropomorphisme, comme prêter à la divinité de la tendresse et de la compassion.
Mais vos néologismes nous ravissent !
Plus d’oiseaux! Je les croyais disparus jusqu’au jour où j’ai suspendu une mangeoire à la branche d’un cerisier. Après quelques jours de latence, les premiers sont venus pour sonner l’appel. Mésanges, moineaux, rossignols et autres ont accouru de partout. De loin, pour ne pas les troubler, j’admire leurs voltiges. Merles et pies grappillent les graines tombés au sol, mais aussi hélas! ces gros lourdauds de pigeons dont le roucoulement grasseyant m’est désagréable. Oh oui ! pas de cages… mais des arbres et le ciel tout entier. La maison étant bonne; ils nidifient partout… Un abrazo
Cette histoire d’oiseau en cage et de disparition me rappelle un poème de Jacques Prévert, poète d’une émouvante simplicité. Cela s’appelle : ”Comment faire le portrait d’un oiseau”
Peindre d’abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d’utile
pour l’oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forêt
se cacher derrière l’arbre
sans rien dire
sans bouger …
Parfois l’oiseau arrive vite
mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre s’il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
n’ayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l’oiseau arrive
s’il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l’oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un à un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau.
Faire ensuite le portrait de l’arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l’oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
la poussière du soleil
et le bruit des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter.
Si l’oiseau ne chante pas
c’est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s’il chante c’est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l’oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.