Mes élèves disaient d’un écrivain X ou Y : « Il a écrit des citations » quand ses phrases constituaient des sujets de dissertation. Citation était pour eux un genre littéraire avéré comme le roman ou la poésie.
L’écrivain suisse alémanique Ludwig Hohl (1904-1980) est lui aussi, un « auteur de citations ». Je l’ai d’ailleurs découvert par une citation de Christiane Veschambre dans Écrire Un caractère : « Le pire ennemi de l’art, c’est l’idée de la composition ».
Comment peut-on dire une chose pareille ? Intriguée, je suis allée à la recherche de son livre principal, Notes, écrit entre 1934 et 1936 et publié en 1944 (puis republié à Genève en 1980). Le livre est difficilement trouvable en France. J’ai obtenu récemment le seul exemplaire que possèdent les bibliothèques municipales de Paris.
Un « écrivain rare et exigeant », dit sa fiche Wikipédia (assez laconique). Aspect sévère, phrase lapidaire. Quant au « pire ennemi de l’art », je m’aperçois en contexte que c’est l’idée de composition et non la composition. Ce qui compte, dit-il, c’est la réalisation de la sensation de l’artiste. L’art est une vie organique. Et c’est à la façon de la vie organique qu’il s’accroît dans l’espace. Ses références majeures sont Thomas Mann, Lichtenberg, Goethe, Balzac, Katherine Mansfield.
Ce Suisse entouré de dialectes n’est pas tendre envers les écrivains qui les valorisent et se font les « chantres des chaumières moussues ». Il suggère : Et si, au lieu de forcer toujours sur le primitif, on s’efforçait d’apprendre l’allemand ? Voilà qui ne doit pas trop plaire à mes amis vaudois des éditions d’en bas ni à mes amis aragonais des éditions Gara…
Il attribue par ailleurs la hausse de natalité entre les deux guerres à la paresse de la femme (du moins de celle de la bourgeoisie) : Sauf exception, la femme ne veut rien faire. Le meilleur de ses forces, elle le laisse en friche, ou va le dissiper dans des bals et autres fadaises, avant de trouver son exutoire et sa distraction dans le fameux « amour maternel ».
Je dois dire que je préfère les analyses de Stefan Zweig dans Le Monde d’hier sur les jeunes filles et les femmes de la société viennoise en 1914. (Leur condition ne devait pas être bien différente dans un pays voisin et dans les années 30).
Il n’empêche que certaines des Notes ont rempli sept pages de mon cahier de citations :
- Les poètes méditent ce que médite tout un chacun. Simplement, ils sont plus assidus.
- Se couler dans les choses. Afin d’agir sans secousse et sans heurt. Métaphore de la nage.
Et ceci, très revigorant : Celui qui porte les regards sur son futur, comme sur la possibilité d’un accomplissement plus haut, celui-là demeure toujours jeune – qu’il ait 20, 40 ou 80 ans.
Voilà qui peut m’aider à comprendre à ma manière le mystérieux sous-titre du livre : « De la réconciliation non prématurée ».
Bonsoir, Nathalie,
il y a longtemps que j’ai noté celle-ci (page 347) : “On ne doit pas être poétique en poésie; tel est le secret.”
Si vous pouvez trouver “Chemin de nuit”” traduit par Philippe Jaccottet à L’Age d’Homme, ou encore “Nuances et détail” aux éditions de l’Aire, vous pourrez continuer votre lecture de Ludwig Hohl.
Bien amicalement.