L’Inconnue

Nous promenant Sabine et moi dans Madrid, nous voyons à l’affiche du Teatro Español : El Desconocido (L’Inconnu) de Carmen Kurtz (1911-1999), roman adapté au théâtre par Yolanda Pallín.
— Zut, on ne sera plus à Madrid pour découvrir ça.
— D’ailleurs, qui est Carmen Kurtz ?

Sabine m’entraîne dans une librairie théâtrale curieusement nommée Yorick. Nous discutons avec la libraire et achetons quelques œuvres de théâtre contemporain. Il n’existe pas encore d’édition de la pièce El Desconocido, mais dans une librairie d’occasion je peux me procurer tout de suite le roman. Rien ne m’enthousiasme davantage que ce genre de quête. J’ai le temps de découvrir sur Wikipedia la biographie de Carmen Kurtz, assez attirante pour que je décide de courir vers une minuscule boutique pleine de vieux livres entassés n’importe comment.

La première publication de ce roman a eu lieu en 1956 aux éditions Planeta de Barcelone et a obtenu le prix Planeta. Mon exemplaire, daté de décembre 1972, en est la dixième édition.

Un peu jaunasse, avec une odeur de moisi et des ronds d’humidité orangeâtres sur la tranche.

Et voici l’ex libris de sa première lectrice :

Une représentation de l’Escorial dans un cadre édiculaire ; un Monarque ; un Empire ; une Épée… Cette ambiance ne me dit rien qui vaille. Mes pensées dévient vers le sinistre Mausolée de la Cruz de los Caídos que Franco a fait bâtir non loin de là dans les années 40 par des républicains condamnés aux travaux forcés. Lieu de visite obligé de tous les groupes scolaires madrilènes des années 60 et 70.

La lectrice Mari Carmen Martinez Marquina s’est procuré le livre en juillet 1973, à ce que je lis en travers sur la page de titre.

Mais tout ça ne préjuge en rien de la qualité du contenu. Il serait absurde et injuste d’imputer à l’auteur l’idéologie d’un acquéreur qui l’a peut-être reçu en cadeau, estampillé, feuilleté distraitement, abandonné dans un grenier, revendu dans une brocante.

Je relis la biographie de la romancière : enfance très cosmopolite en Amérique, Grande- Bretagne, puis Paris avant et pendant la deuxième guerre mondiale ; mariage avec un Français nommé Pierre Kurtz – que je suppose juif car il passe deux ans en camp de concentration – ; puis vie en Espagne. Elle adopte son nom d’épouse pour écrire, quand il lui aurait été facile de garder son patronyme et matronyme comme il est d’usage en Espagne : Carmen de Rafael Marés.

En fait, je n’aime pas beaucoup acheter les livres d’occasion. Ce n’est pas une phobie du toucher car je fréquente joyeusement les bibliothèques sans craindre d’être la dix-millième personne à manipuler le même livre. Mais j’ai une antipathie spéciale pour cette lectrice nommée Mari Carmen Marquina qui me plonge dans les années grisâtres du franquisme finissant.

Mon prochain billet sera consacré au contenu du roman El Desconocido de Carmen Kurtz que j’ai lu avec un grand intérêt – et une petite perplexité.

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