Je t’aime est merveilleux quand il est suspendu dans l’air avant la déclaration. Nathalie Sarraute a consacré plusieurs textes à ce moment intense du juste avant, où chaque regard, chaque geste, chaque parole anodine semblent flotter dans l’orbe magique du mot non encore proféré. Je crois d’ailleurs qu’au moment de sa mort elle était en train d’écrire une pièce autour du mot amour, et il me plaît d’imaginer qu’elle a consacré ses dernières forces à ces tropismes heureux.
Je n’aime pas beaucoup un certain usage du mot désir bien que j’aime infiniment ce que contient le désir. Avec Henri Michaux je préfère lui substituer le mot élan :
Ni l’amour n’est primordial, ni la haine, mais l’élan (comme est le jeu de l’enfant dans les vagues et le sable). L’élan est primordial, qui est à la fois appétit, lutte, désir.
Et Michaux lui associe la musique :
La musique exprime cet élan, qui ne se différencie pas, qui ne se proclame pas amour ni surtout tel amour sur lequel on le mettrait en défaut plus tard, en état d’inconséquence, l’obligeant à violence, opposition, agressivité.
Avant la parole, la musique : Art des sources, art qui sait rester dans l’élan.
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