Quand j’ai lu qu’André Du Bouchet n’aimait pas les jeux de mots, j’ai pensé à Rabelais, à Michel Leiris, aux surréalistes, et j’ai éprouvé cette petite tristesse que l’on a quand des gens qu’on aime ne s’aiment pas entre eux.
« Ce qui est un jeu dans le langage, jeu conscient, m’agace (…), dit André Du Bouchet à Alain Veinstein. Ça tourne en rond. Ça se boucle sur soi, ça ne va pas très loin, ça ne se déplace pas. (…) Un mot qui mène à un mot, qui boucle sur un mot, c’est du rebut. »
Du Bouchet va jusqu’à dire qu’il trouve les jeux de mots « répugnants » et ce dernier adjectif me désole : le plaisir qu’on éprouve à triturer et à déformer les mots est-il non seulement futile, mais aussi dégoûtant que de se fouiller l’intérieur du nez ?
Mais si j’y pense bien… Je ne suis jamais parvenue à lire jusqu’au bout les calembours poétiques de « l’espèce de lexique » qui constitue Glossaire j’y serre mes gloses de Michel Leiris. Certaines de ses définitions comme : « désir ̶ désert irisé » m’enchantent à moitié : l’étincelle donnée par « désir » et « irisé » s’éteint dans le « désert » qui les sépare. C’est beau pour évoquer les mirages du désir mais cela sent un peu le mot d’esprit. L’anagramme qui le suit me rappelle les « mots tordus » des magazines pour enfants : « désir – rides inversé ». Un livre entier constitué de ce type de jeux de mots est sans respiration interne. Loin de soulever des ailes d’images, il finit par mettre le langage sous cloche.
J’accueille donc comme un bol d’air la suite des propos d’André Du Bouchet : « La fraîcheur, c’est le langage qui ne se referme pas sur soi ».
Mais en repensant à Rabelais, à Balzac, à tous les drolatiques, je me dis que la fraîcheur c’est aussi la gaieté, le langage qui s’amuse de lui-même comme dans Un début dans la vie, sixième récit de La Comédie humaine que je décide de relire dès que possible.