On touche parfois mieux les choses ailleurs qu’en elles-mêmes.
Dans la dernière partie d’Albertine disparue le narrateur se promène autour de Combray, dans les lieux de son enfance qui sont de nouveau à portée de sa main, et se sent désolé de ne pas y revivre ses années d’autrefois. Les éléments du paysage n’ont pas foncièrement changé, mais « il n’y avait pas entre eux et moi cette contiguïté d’où naît avant même qu’on s’en soit aperçu l’immédiate, délicieuse et totale déflagration du souvenir ».
On sait que la grande déflagration aura lieu inopinément dans Le Temps retrouvé, au contact des pavés de la cour de l’hôtel de Guermantes à Paris.
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Jean-Luc Parant (Machines à voir) :
– « L’homme est à la recherche de ce qui a disparu et qu’il ne peut pas toucher […] À la recherche de ses propres traces intouchables. »
Toute personne qui aime et veut écrire le sait.
– « Quand l’homme touchera ce qui est le plus intouchable et ce qui lui brûle les doigts il ira si loin qu’il disparaîtra », ajoute-t-il.
Il est curieux de voir à quel point la pensée de la mort, liée à la découverte d’un accès possible au temps perdu, hante le narrateur dans les dernières pages du Temps retrouvé. Comme si, au moment de toucher enfin son pan de mur jaune à lui, il craignait de s’écrouler comme Bergotte ?