Petites notes de janvier

Mens sana in corpore lourdaud.

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Quelques impératifs

“Il faut lire absolument”, “il ne faut pas manquer de voir”… ces phrases tuent immédiatement mon désir de lire ou de voir.

Notification Facebook ce matin : “Aidez Sigismond et  Perdita à fêter leur anniversaire”. Faut-il que je les aide à exister ? J’ai appris que Sigismond et Perdita sont ce qu’on appelle des “faux profils” : les clones clandestins d’autres facebookers, et qui sont destinés à faire des compliments au facebooker officiel, ou à lancer violemment, voire grossièrement, un jugement qu’il réfutera ou approuvera selon ses besoins. Manipulation égotiste, en l’occurrence : on disperse artificiellement son “moi” pour mieux le rehausser. Cette vertigineuse virtualité aurait fasciné pour des raisons inverses Pessoa, Queneau, Romain Gary, Borges, Bioy Casares, et tous ceux qui,  se sentant habités par plus d’un personnage, se disent avec Henri Michaux : “On n’est pas seul dans sa peau”.

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Lettre de Katherine Mansfield jamais envoyée (Journal, janvier 1921) : Si je n’étais pas malade, je me serais cependant retirée du monde, à cause de ma haine pour le manque de sincérité. Cette absence de franchise me cause une gêne horrible, me rend affreusement malheureuse.

Je citerai ici un autre jour les notations profondes de Katherine Mansfield sur la sincérité dans son Journal. Pour l’instant je me contente de me demander :  qu’aurait-elle pensé de la “post-vérité”, des “faits alternatifs” et des “faux profils” ?

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J’ai remarqué que les personnes qui disent : “C’est intelligent”, “Ce serait intelligent de…” sont souvent des personnes qui se trouvent elles-mêmes intelligentes.

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2 réponses à Petites notes de janvier

  1. marie-paule Farina dit :

    Les “il faut” et les “on doit” fleurissent sur facebook mais de plus en plus les “tu dois” plus directs apparaissent, hier un inconnu m’a dit qu’il serait temps que je quitte le confort de mon fauteuil pour faire acte de solidarité avec la jeunesse mais, à ma grande horreur, dans la vraie vie, aussi, des personnes à qui j’ ouvre ma porte, commencent à me faire des scènes et à me dire: “tu vas dire que je me mêle de ce qui ne me regarde pas…” au moment même où elles se mêlent de ce qui ne les regarde pas, peut-être est-ce la fonction que sur facebook certains donnent à leurs clones: purgation de leur grossièreté? Faudra-t-il bientôt pour survivre, comme le vicomte pourfendu de Calvino nous créer deux profils l’un avouable et aimable, l’autre grossier et méchant et partager notre temps entre pugilats et conversations sans aspérités? Je ne crois pas que là soit la solution. J’aime la conclusion du conte de Calvino, un médecin va recoudre les deux parties ainsi séparées et qui chacune dans son genre, la toute blanche et la toute noire, s’était rendue insupportable dans le comté. Voeu du jour de l’an chinois, les pétards en ce moment pètent dans la ville pour chasser les démons(ils péteront jusqu’au 25, premier jour de l’année du rat faisant suite à celle du cochon):Mens ironique, joyeux et un peu pervers in corpore sano pour un moment encore
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    • Beau commentaire ! Intelligent 🙂
      En fait, mon billet de blog a été envoyé par erreur ce matin… J’étais en train de le travailler et j’ai cliqué par erreur sur l’onglet “publier”. Depuis, je n’arrête pas de le retoucher en citant plusieurs auteurs car cette question des doubles fictifs est passionnante. Mais je n’avais pas pensé à Calvino, très contente de l’accueillir 🙂 “Purgation de grossièreté” : oui, c’est bien ça, et merci pour ta mens ironica et viva.

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