Borges, les dames, la lune et le soleil

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Jorge Luis Borges raconte qu’un savant excentrique anglais du XVIIème siècle, John Wilkins, a essayé d’établir les principes d’un langage mondial.

L’entreprise laisse sceptique l’écrivain argentin :

Nous avons tous été victimes, un jour ou l’autre, de ces débats sans recours où une dame, à grand renfort d’interjections et d’anacoluthes, jure que le mot luna est (ou n’est pas) plus expressif que le mot moon. (Enquêtes, Gallimard, p.126.)

Il préfère écrire (« La Lune », L’Auteur et autres textes, L’Imaginaire/Gallimard, p. 139.) :

Je sais que la lune ou que le mot lune
Se compose de lettres inventées
Pour la complexe écriture de cette espèce
Étrange que nous sommes, nombreuse et une.                     

Mais moi, simple “dame”, me laissant déborder par ma fantaisie interjectionnelle et anacoluthique, je jure que moon et luna sont moins maigres que notre croissant de lune.  Si maigrichonne, la lune, que Musset en fait « un point sur un i » et que Victor Hugo se sent tenu de la déguiser en « faucille d’or ». Il y a relativement peu de lunes dans la poésie française.

Mais rougissant de honte et d’orgueil, je jure que sun, Sonne, sol et sole ne luisent pas à eux quatre autant que notre soleil. Et il y en a, des soleils, dans la poésie française !

2015-12-19 10.04.09

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