Sept notes pour une gamme de mars

1. J’ai un goût particulier pour les écrivains qui pèsent des œufs de mouches dans des balances en toiles d’araignée, comme disait Voltaire de Marivaux.

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2. Les sonorités du verbe jouir me font rougir ; les sonorités du mot orgasme me font tousser ; extase est trop mystique. Il faudrait inventer un mot avec des i, des a, des l et des v, comme sévillase, ou vallandebraise.

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3. Entre la pensée qui bondit et la main qui écrit, quoi ? Quand je pose ces mots et ce point d’interrogation, qu’est-ce qui subsiste de l’élan qui me poussait à ouvrir l’ordinateur ?

Dominique Fourcade dit qu’en écrivant Le Ciel pas d’angle, « les mots venaient de derrière la page, comme s’ils montaient à la surface ».

Des mots qui jaillissent du papier comme un geyser ? Sévillase de mots !

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4. Jardinage de printemps

joindre
marier
bouturer
(quel est le mot ?)
des parties de moi que je croyais disjointes
et qui ne le sont pas

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5. Grandeur et petitesse

« Certains ont besoin de leur petitesse pour sentir. D’autres font appel à leur grandeur », dit Henri Michaux (Poteaux d’angle).

Je me situe parmi les premiers : la grandeur m’anesthésie et la hauteur me coule.

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6. Question voisine

« On est orgueilleux par nature, modeste par nécessité », dit Pierre Reverdy (En Vrac).

Seule la nécessité de sentir me rend modeste, d’une sorte de modestie orgueilleuse.

Quand je relis mes cahiers je me trouve sympathique et j’éprouve un « orgueil suffisant » obtenu, comme la grâce suffisante des jésuites, par l’exercice.

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7. Matin au square Gardette

Le saoul se met au goulot. La grande ville marche les pieds en dedans. J’aimerais habiter cet immeuble rouge un peu renfrogné.

J’ai des accès de dispersion ou d’autodérision, et sur ce banc je me demande : « Suis-je assez forte pour porter seule ma voix ? »

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Une réponse à Sept notes pour une gamme de mars

  1. Maryse Esterle dit :

    Suis-je assez forte pour porter seule ma voix ? Sans doute, si elle sait toucher le coeur de qui l’écoute.

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