En cette période de “distanciation sociale” (on dit maintenant “physique”), et de ménage-rangements, je revisite un cahier de 2003 que j’aime beaucoup et que j’avais intitulé Index du toucher. Partie de l’idée (trouvée chez Bachelard) que comme il existe des écrivains “voyants” il y en a des “touchants”, je m’étais mise à lire des auteurs que j’aimais en suivant cette piste. Mon index comprend plus de cent pages avec des entrées comme : agripper, explorer, gratter, enfouir, tenir, tâtonner, caresser, creuser, envelopper, palper, pousser, se vautrer, limites, bords, contours, écarts, peaux, etc. Et aussi : toucher et voir, toucher et connaître, toucher et écrire…
Il y aurait moyen, avec un tel sujet, d’entamer une thèse de 1000 pages qui irait d’Aristote à nos jours, mais cette idée me fait bâiller, et je me propose plus simplement de picorer, au mois de mai, à petits coups de bec de mouette, les mots grattants, tâtonnants, caressants ou vautrés des écrivains qui me touchent le plus. J’avais déjà commencé sur ce blog, il y a trois-quatre ans, à montrer qu’on pouvait appeler Rimbaud « poète touchant » http://patte-de-mouette.fr/2016/10/07/rimbaud-le-touchant/
Mais la première phrase qui s’impose aujourd’hui est sans doute celle-ci, de Jean-Luc Nancy :
Il n’arrive rien d’autre à l’écriture, s’il lui arrive quelque chose, que de toucher. Plus précisément : de toucher le corps (ou plutôt tel corps singulier) avec l’incorporel du “sens”. Et par conséquent, de rendre l’incorporel touchant, ou de faire du sens une touche.
(Ce texte a été grandement commenté par un livre de Derrida : Le Toucher, Jean-Luc Nancy, que je ne retrouve plus dans ma bibliothèque encore mal rangée, mais dont mon Index du toucher porte un certain nombre d’empreintes.)
Bonjour,
Pourquoi utiliser “distanciation sociale”… ?
On comprend bien que c’est dans l’espace social ou dans l’espace public que cette distance s’applique. C’est une distanciation physique dans l’espace social et/ou public… Alors parlons de “distanciation physique” ou de “distanciation corporelle” mais pas de “distanciation sociale”… ce me semble…
Bonne semaine.
JFrançois
J’utilise l’expression consacrée entre guillemets (chaque lecteur y mettra la nuance d’ironie qu’il souhaite), et appelez ça comme vous voulez, le propos n’est pas là. Je suis intéressée par l’interdit du toucher que cette “distanciation” suppose. Et peut-être encore plus intéressée par “l’incorporel touchant” de la lecture-écriture.