Je n’ai pas de pied droit ou de pied gauche quand je me lève le matin : j’ai beau écrire des billets d’humeur, je ne suis pas très sujette à ce qu’on appelle couramment bonne ou mauvaise humeur et suis globalement plus joyeuse que chagrine.
S’il me fallait choisir un couple d’humeurs, ce serait plutôt inquiétude/sérénité.
Qu’est-ce qui peut se découvrir quand on se réveille ? Quelle nouvelle peur, quelle nouvelle douleur, quel nouvel avatar inexplicable ?
Lorsque Gregor Samsa s’éveilla un matin de ses rêves, il se trouva dans son lit métamorphosé en une énorme vermine (ein ungeheures Ungeziefer). Il était couché sur son dos dur comme une cuirasse. (Traduction Georges-Arthur Goldschmidt).
Cet incipit de La Métamorphose est un des plus inquiétants que je connaisse. Goldschmidt commente :
D’un coup, sans aucun passage, sans indication préalable, sans transition progressive, il y a enfermement dans cette forme soudaine. D’un coup, on bascule dans ce qui n’avait pas de précédent. Or chacun (…) peut vivre ce précipité d’irrémédiable. L’univers de Kafka est celui de chacun.
D’un coup…
Mais je ne me trouve pas encore dans ce « précipité d’irrémédiable ». Ce matin j’ai ouvert mes volets, j’ai contemplé le reflet des bambous dans mon thé, j’ai écouté le doux battement de l’horloge, et le monde s’est remis sereinement à tourner.
Bien que vous critiquiez l’expression, elle est juste ici : vous êtes d’une belle humeur (que je souhaite à tous mes amis) et j’ai envie d’ajouter (pour vous taquiner) une belle personne !
Vu ! Merci pour ce beau commentaire !
Oui, ouvrir ses volets… Pourquoi serions_nous condamnés à une métamorphose répugnante ? Ouvrir, regarder, s’émerveiller d’un reflet sur une tasse de thé… Tout est là. Merci pour ce regain de vie. Pardon d’écrire à la hâte sur mon téléphone… Je suis en voyage et manque de mes repères, mais je voulais m’associer à l’ouvert. Un abrazo.
“Incessant dialogue
de l’arbre et du ciel
Un nuage leur suffit
pour reprendre souffle”
(Jacques Robinet, “Brèches”, éditions l’Ail des ours, 2020)
Cet été, à défaut d’Atlantique où tremper mes pieds droit ou gauche, je me suis plongé dans le Dictionnaire amoureux des mathématiques d’André Deledicq et Mickaël Launay, ce dernier sympathique et compétent vulgarisateur. J’y apprends que la courbe décrite par les rayons du soleil se réfléchissant dans votre tasse de thé matinal est une néphroïde. Les maths aussi sont une inépuisable source de poésie.
La poésie des mathématiques : c’est ce dont m’a parlé un jour un mathématicien ravi et ravissant. Ah, si Monsieur Locutura nous avait parlé de néphroïde, cette courbe en forme de coeur…