Quelques usages du verbe faire

Faire du charme

Lorsque j’étais une jeune fille rangée, des cousins un peu bas de plafond me suggéraient, si je voulais obtenir quelque chose de quelqu’un – notamment d’un homme – de « faire du charme ». Ce conseil me paralysait. Il m’a toujours été absolument impossible de « faire du charme », et je disais ici et là que mon charme était de ne pas en avoir, rectifié un peu plus tard en « ne pas savoir en faire », et un peu plus tard encore en « ne pas vouloir savoir en faire ».

Qui s’aviserait aujourd’hui de donner pareil conseil aux filles ? J’ose espérer que même les cousins les plus benêts s’en abstiendraient.

L’art de la séduction n’a d’ailleurs aucun rapport avec le charme véritable qui n’existe que « dans la nescience de soi », si j’en crois Jankélévitch sur lequel je suis providentiellement tombée hier :

Chacun sait qu’un charmeur est un singe, que, s’il y a des recettes pour être charmeur, il n’y en a pas pour charmer; l’apprentissage dans ce domaine est une dérision (…) Rompu le préalable d’innocence sur lequel reposait la possibilité même d’un enchantement. (p. 97).

Aussi fluent que la musique, le charme se dérobe quand nous croyons le saisir.

 

Faire du, faire de la

Un ami américain s’amusait toujours de ce que les Français disaient : « — Je fais du jogging ». « — Moi je ne fais pas du jogging, je jogge, » disait-il.
Et moi je cours.

Nathalie Sarraute est sensible dans toute son oeuvre à cet usage pétrifiant de “faire du”, notamment dans Entre la vie et la mort, livre où “il est question d’écrivains et d’écriture” :

Je lisais un livre anglais… j’ai appris l’anglais de bonne heure… c’était un roman de Fenimore Cooper… un auteur que j’adorais… Un professeur s’est approché de moi, il a regardé par-dessus mon épaule et il m’a dit : Tiens, vous « faites » de l’anglais. Ce mot : faites… c’est comme s’il m’avait donné un coup.

Fare il médico

En italien, « fare il médico », c’est être médecin. Diafoirus, Purgon, ou Knock ?

Le Malade imaginaire, Honoré Daumier

Etc

 Je ne parlerai pas de “faire les châteaux de la Loire”, ni de “se faire une toile” (ou une fille). Quant à l’expression “faire dans” (“Vous faites dans la littérature ?”) elle est simplement répugnante.

Etc.

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2 réponses à Quelques usages du verbe faire

  1. Francis Toqué dit :

    Quant à « aller se faire voir » !….

  2. Dany Pinson dit :

    Billet d’excellente facture.
    Faire du charme, c’est aussi inopérant que faire de l’esprit : point besoin d’en faire quand on en déborde naturellement, et depuis longtemps.

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