Tamalpaís (suite du billet du 20 novembre)

Pour Marie-NoTamalpaís, c’est le nom d’une montagne située au nord de la baie de San Francisco. Elle a été souvent peinte et dessinée par Etel Adnan, notamment quand la guerre la conduisit à quitter Beyrouth en 1975. Un livre rend compte de sa relation à cette montagne : Voyage au Mont Tamalpaïs (écrit d’abord en anglais).

Un jour, devant une caméra de télévision, on me posa cette question : ‘Quelle est la personne la plus importante que vous ayez jamais rencontrée ?’ Et je me souviens d’avoir répondu : ‘Une montagne’. Tamalpaïs était au centre de mon être.”
“Debout sur le Mont Tamalpaïs, je participe des rythmes du monde. Tout semble juste. Je suis en harmonie avec les étoiles. Pour le meilleur comme pour le pire je sais, je sais.”
“L’Indien appelait la montagne Tamal-pa, ‘Celle qui est proche de la mer’. L’Espagnol l’appela Mal-Pais, ‘Mauvais Pays’ : la différence entre l’indigène et le conquérant se lit dans ces deux perceptions d’une même réalité. Oh si nous pouvions, comme l’Indien, permettre aux choses d’être ce qu’elles sont ! Ce qui est proche de la mer demeurerait proche de la mer.”

Etel Adnan se montre sensible à la réappropriation des noms et de leurs significations par les  occupants successifs des lieux. Mais je ne peux m’empêcher aussi, au risque de prêter à l’autrice une nostalgie qui ne correspond pas à son tempérament solaire, de lire en français dans le nom de cette montagne : « T’as le mal du pays ». Un pays proche de la mer et qui fait mal. Beyrouth métamorphosée en montagne californienne pour mieux se loger “au centre de mon être”.

Sans doute avons-nous tous des lieux et des noms de lieux  qui opèrent une synthèse de plusieurs choses qui ont un jour retenu notre coeur, ce que Proust mieux que personne a développé dans son oeuvre. J’ai eu par exemple assez récemment une sympathie particulière, en passant sur les Grand Boulevards, pour la rue de la Lune qui monte vers l’église Notre Dame de Bonne-Nouvelle à Paris : peut-être à cause de cette montée magique vers le firmament, ou parce qu’on m’a souvent dit dans ma vie que j’étais dans la lune, ou parce que j’aimerais recevoir une bonne nouvelle, ou parce que cette rue possède dans le vieux Madrid une soeur très vivante.

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2 réponses à Tamalpaís (suite du billet du 20 novembre)

  1. Les lieux.
    Aharon Appelfeld écrit : “Sur le chemin d’écriture, je retourne sans relâche dans le maison de mes parents, en ville, ou celle de mes grands- parents dans les Carpates, ainsi que dans les lieux où nous avions été ensemble. J’ai dit “je retourne” mais je voudrais aussitôt me corriger : je suis toujours dans ces maisons même si elles n’existent plus depuis longtemps. Ce sont mes lieux inébranlables, des visions qui m’appartiennent et dont je m’approche pour les vivifier. Il est des jours où cette nécessité se fait plus pressante encore, à cause de la fatigue, de la mélancolie ou d’un sentiment d’effondrement…” (dans Mon père et ma mère)

  2. Dani Pinson dit :

    Dans la perspective montante de la rue de la Lune, j’aime beaucoup les deux immeubles pointus et menaçants. Je me demande si leurs occupants doivent maigrir au fur et à mesure qu’ils s’approchent de la fenêtre, jusqu’à n’être plus qu’un reflet d’eux-mêmes. Casas puntiagudas, vecinos que se esfuminan.
    Quant à la madrilène calle de la Luna, elle est souvent célébrée par Andrés Trapiello dont le ”Madrid” est un des plus beaux ouvrages que j’aie lus cette année.

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