Pieds de plomb
Il y a entre les langues de drôles d’écarts.
Par exemple, le Français qui marcherait “avec des pieds de plomb” aurait, imagine-t-on, le pas pesant d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.
L’Espagnol qui marche “con piés de plomo” ne touche le sol qu’avec prudence et précaution, dit le dictionnaire de la Real Academia. L’expression pourrait se traduire par “marcher sur des œufs”, qui évoque, imagine-t-on, chez les Espagnols, une bouillie de tortilla aux éclats de coquilles.
La traduction est un casse-tête.
Un “rompehuevos” ?
Il y a dans la littérature enfantine de drôles de situations : la famille Babar fait de l’exploration sous-marine en scaphandre et semelles de plomb. Le polisson Arthur s’amuse à retirer ses chaussures, et plus léger qu’un oeuf, remonte à la surface.
Les enfants ne s’en cassent pas la tête.
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Trouver un ton
Quand on écrit sur un écrivain, il n’est pas facile de trouver un ton qui ne soit ni pédant, ni familier, ni de cette fausse froideur qui se veut intense, avec des phrases brèves, parfois nominales, pour montrer qu’on laisse entendre beaucoup de choses et que c’est au lecteur de continuer le travail. (J’ai en ce moment sur mon bureau un livre de ce type).
J’aime bien les personnes qui, comme Marie-Paule Farina, parlent de Rousseau ou de Flaubert avec un enjouement, une légèreté affectueuse qui n’est pas de la superficialité mais une adhésion souriante. Quant à écrire « l’autobiographie posthume » de Sade, c’est d’une hardiesse dont je ne connais pas d’autre exemple.
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Signe des temps
Je ne m’étais pas promenée sur le boulevard Raspail depuis le siècle dernier. Les immeubles y ont des plaques majestueuses qui ne sont plus de pneumologues, ophtalmologues, cardiologues, gynécologues et oto-rhino-laryngologues, mais de sophrologues, naturopathes, ergothérapeutes, kinésiologues et aromathérapeutes.
Le bien-être se porte mieux que la santé.
Comme les traces sont légères de la mouette amoureuse des livres ! Certes, ce n’est pas elle qui marche avec des pieds de plomb et nulle tortilla à craindre quand elle effleure les coquilles légères qu’elle trouve sur son passage.
Oui, ne ‘toucher le sol qu’avec prudence et précaution’. L’espagnol a raison et la mouette le sait bien qui traverse si légèrement nos frontières!
Gracias por este paseo tan hermoso.
Un abrazo
Merci, Jacques. Je te souhaite un Noël léger et chaleureux :
je suis tellement contente de faire partie de tes petites notes de décembre, tes notes aussi ont toujours un ton que j’aime, un ton plus proche de Satie que de Wagner. Bonnes fêtes Nathalie et merci de me trouver hardie, peut-être finalement est-ce pour cela que j’ai osé écrire sur Descartes, ce “cavalier français parti d’un si bon pas” dont parle Charles Péguy et dont le crâne, aujourd’hui, a atterri dans une vitrine du Musée de l’homme à côté du crâne de l’homme de CroMagnon comme exemple d’homo sapiens.
Impressionnante, cette histoire de crâne… A propos de Wagner (que j’écoute toujours avec émerveillement), je recommande la mise en scène de la Tétralogie par Dmitri Tcherniakov, visible sur Arte jusqu’en février. Il nous débarrasse allègrement des casques guerriers et des forêts germaniques pour nous mettre dans un “Centre d’observation” rectangulaire comme un I-phone et qui ressemble parfois à un EHPAD. Les chanteurs sont effroyablement vêtus mais ils chantent divinement bien. Le traitement insolent du mythe dégage la véritable beauté de la musique. Bonnes fêtes avec Descartes !
Vous nous rappelez, Nathalie, que Jean de Brunhoff démontra avec Archimède que l’éléphant est plus léger que l’eau, puisqu’il remonte. À tous âges, Babar est un cadeau de Noël exquis et raffiné, noblesse oblige.