L’année est suffisamment proche de sa fin pour que je puisse en être sûre.
(Deux de ces livres appartiennent au siècle dernier, mais les éditions Corti ont publié La Maison disparue en 2023. La lecture de L’Anneau maudit de Lagerlöf (Actes Sud) m’a été suggérée par le retour en salle des films de Viktor Sjöström en septembre dernier).
J’ai déjà posé ma patte sur chacun d’eux cette année. Je me demande maintenant : pourquoi ces trois-là ?
Pas pour leurs idées, leur genre littéraire ou leur sujet. (Parlons vite du « sujet »: j’ai été, par exemple, un peu peinée quand des personnes que je connais rechignaient à lire Triste Tigre de Neige Sinno — numéro 4 dans mes préférences, à égalité avec Lamiel de Stendhal — sous prétexte que : « Ah, encore l’inceste ». Il est injuste de rejeter d’avance un livre pour son sujet).
Ce qui m’a retenue dans ces trois livres c’est plutôt :
• Des phrases surprenantes, émouvantes, drôles ou suggestives : rythme, syntaxe, choix des mots. J’ouvre Jacques Ancet à n’importe quelle page :
On dit : le vent se lève, mais est-ce bien le vent ? Plumes, pétales.
(Surtout « plumes, pétales ». Sans article, comme en train de s’envoler.)
• En lien avec ce premier critère, La création d’un univers singulier. Un personnage d’Adelheid Duvanel s’appelle Hubert Pleinement, n’aime pas les gestes pathétiques, pense que dans la vie personne ne le croit : « Aussi souligne-t-il ses propos de mimiques censées les expliciter ». Duvanel dote ses personnages et ses situations de caractéristiques hétérogènes minutieusement décrites qui parlent à l’imagination.
• Une composition : les éléments s’enchaînent, consonnent ou contrastent. Comme il y a un rythme de phrase, il y a un rythme de pages, de chapitres ou d’ensembles plus grands. On le perçoit bien dans les récits de Selma Lagerlöf, mais aussi dans la progression du poème de Jacques Ancet qui explore son beau titre dans une série de variations musicales. (Triste Tigre de Neige Sinno est, lui aussi, très finement composé. En revanche, Lamiel de Stendhal — son ex aequo dans mon classement 2023 — (dont un personnage “horriblement bossu” a un nom digne d’Adelheid Duvanel, le docteur Sansfin) est fait à la diable, inachevé, et c’est aussi son charme. On croit voir les brouillons barbouillés d’annotations sibyllines et toute l’agitation de l’esprit de l’auteur.)
Je note que sur mes trois livres, deux sont des traductions. On dirait que la langue originale n’est pas nécessaire pour que j’apprécie la beauté d’une œuvre, qui tient finalement beaucoup pour moi à l’énergie qui s’en dégage. J’admire les traducteurs qui ont su transposer cette énergie.
ça donne envie de se jeter sur ces trois livres ou de se dire et quels sont mes trois livres préférés de cette année ?
Moi qui suis en train de lire Géohistoire de Christian Grataloup (Les Arènes) et Les Voies de la puissance, de F. Encel (Odile Jacob) je retrouve vos chroniques subtiles (comme Jünger avait ses Chasses subtiles) avec délectation. Continuez, bonne année !
Mon palmarès 2023 :
– le plus poétique : Le garçon qui voulait dormir, d’Aharon Appelfeld,
– le plus passionnant : Patria, de Fernando Aramburu,
– le plus documenté : La compagnie, de Robert Littell.
Continuez vos chroniques l’année prochaine Nathalie : bien que nos intérêts divergent, je les trouve toujours intéressantes, et elles ouvrent des fenêtres sur des paysages qui me sont étrangers. Bonne années, bonnes lectures !
Lu le premier il y a longtemps et ne m’en souviens pas très bien. Lu le 2ème avec passion aussi. Ne connais pas le 3ème.