Le décret Bérard

Aujourd’hui, 25 mars 2024, ma patte célèbre le centenaire du décret Bérard.

Qu’est-ce que le décret Bérard ?

C’est celui qui instaura en France, le 25 mars 1924, un baccalauréat unique  pour les filles et les garçons.

En 1880, la loi Camille Sée avait créé un enseignement secondaire public pour les filles. Cet enseignement durait en moyenne cinq ans. Les élèves se concentraient sur le français, les langues vivantes, l’histoire, la morale et les  “occupations de leur sexe” (couture, économie domestique). Une fille devait donc s’acharner si elle voulait obtenir le bac. C’est le cas, par exemple, de Nathalie Sarraute qui fit partie des 41 filles inscrites en 1918 et des 27 seulement qui furent reçues*.

C’est à partir du décret Bérard que les programmes du bac devinrent identiques dans les lycées de filles et de garçons.

Puis il fallut que les mœurs suivent… Beaucoup d’invisibles freins. À la génération de ma mère (femmes nées dans les années 20 et 30), peu de filles étaient bachelières, quel que soit leur milieu social. Parmi mes huit tantes une seule l’a été. Mon amie Marie-Françoise, née en 1934, alla jusqu’au CAPES de Lettres classiques. Ensuite, son mari lui fit un enfant chaque fois qu’elle voulut préparer l’agrégation. C’était l’époque du coïtus interruptus.

Photo trouvée sur le site Osez les femmes.com. “Secrétaire, une histoire de femme”.

À ma génération un grand nombre de filles étaient bachelières, mais beaucoup s’orientaient ensuite vers un travail de secrétaire, “en attendant”. Dans les années précédant la loi Veil, c’était souvent un mariage in extremis (ou un avortement plus ou moins désastreux), puis la maternité, puis parfois le divorce, puis des difficultés financières, puis parfois la dépression.

Ce ne sont que les filles nées dans les années 60 à 2000 qui obtinrent massivement un niveau d’études et professionnel à peu près équivalent à celui des garçons.**

Quatre générations après le décret Bérard.

Quant au droit de vote en France, il faudra attendre, comme on le sait, avril 1944. On peut au passage en célébrer un mois à l’avance  – quoique si tard – les 80 ans.

***

Notes :

*Selon Ann Jefferson dans sa biographie Nathalie Sarraute, Flammarion, 2019.

**”A peu près” : quant à la sous-représentation des femmes dans certains métiers et aux écarts de salaire, je renvoie à l’étude : https://www.sciencespo.fr/women-business/fr/actualites/panorama-des-inegalites-entre-les-hommes-et-les-femmes-qualifies-en-france.html#:~:text=L’Insee%20indique%20en%20effet,(23%2C2%25).

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3 réponses à Le décret Bérard

  1. François LE GUENNEC dit :

    Un rappel utile. Merci à vous.

  2. Je ne crois pas que les hommes aient jamais “fait des enfants” aux femmes, ils les ont plutôt faits ensemble, les femmes assumant le gros du boulot (et c’est le cas encore aujourd’hui, ce sont les femmes qui portent les enfants et les mettent au monde).

    Il y avait une autre voie que le bac pour les filles de milieu populaire : le concours des postes ou l’École normale d’institutrices, voire ensuite l’entrée dans les écoles normales supérieures (Saint-Cloud et Fontenay-aux-Roses). C’est ce que fit ma mère, qui devint ainsi professeure de mathématiques dans le secondaire, ses trois sœurs étant institutrices. Il est vrai qu’elle eut un statut provisoire pendant toute sa carrière, alors que mon père, de même niveau d’études, était titulaire de son poste dans le même lycée, pour le même travail.
    Après 1968, j’ai connu d’anciennes camarades de classe, de milieu bourgeois, qui avaient tous les moyens pour continuer leurs études ; elles se sont mariées à 20 ans, abandonnant toute idée de carrière professionnelle, mues probablement par un conditionnement qui n’existait pas chez les moins riches, acharnées à continuer leurs études. Du reste, ces dernières n’intéressaient pas les futurs médecins, avocats, grands journalistes ou experts-comptables qui peuplaient les raouts de la banlieue ouest de Paris.
    J’ai eu la chance de grandir avec le mantra : “Ne dépends jamais d’un homme pour vivre” transmis par ma mère et approuvé par mon père.
    Une chance dans un océan de conformisme où on parlait couramment du salaire des femmes comme d’un “salaire d’appoint”, de secrétaire par exemple, en attendant…

    • Merci, Maryse, pour ce commentaire enrichissant. En effet, l’Ecole Normale était une voie, je l’avais lu et oublié. Pour “faire des enfants” aux femmes, ce sont les propres mots de cette amie que j’ai nommée Marie-Françoise et qui vient d’avoir 90 ans. Apparemment son mari lui mettait toutes sortes d’obstacles dont celui-là. Je n’étais pas dans l’alcôve, mais je connais d’autres cas de bébés de cette génération issus d’un coïtus interruptus…
      Oui, je pensais aussi à certaines camarades du lycée français, également de milieu bourgeois.
      Bravo pour ta mère. La mienne voulait que toutes ses filles aient le bac, ce qui n’avait pas été son cas à elle.

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