La Maison de la Poésie de Paris a accueilli récemment deux écrivaines : Blanche Leridon, avec son livre Le Château de mes sœurs, qu’elle nomme “enquête sur les fratries féminines”, et Hélène Giannecchini, avec Un désir démesuré d’amitié – essai qui tient également de l’enquête – sur les liens qui se tissent ailleurs que dans la famille patriarcale, notamment dans des communautés queer.
Le premier point commun de ces deux livres est que les expériences décrites sont à la fois personnelles et générales. La réflexion est incarnée : c’est en tant qu’homosexuelle qu’Hélène Giannecchini mène sa recherche. Blanche Leridon n’aurait pas autant prêté attention aux fratries féminines si elle n’avait été la deuxième d’une famille de trois filles.
Toutes les deux éprouvent également le sentiment qu’une partie importante d’elles-mêmes n’a pas d’existence officielle, ce dont témoignent certaines lacunes dans la langue. L’avant-propos du Château de mes sœurs s’intitule “Le Mot manquant”. Ce mot, c’est sororie – comme on dit fratrie – proposé aujourd’hui par l’historien Didier Lett, mais qui n’est encore attesté par aucun dictionnaire. Hélène Giannecchini dit de son côté, en pensant à son éducation : “une partie de mon histoire ne m’a pas été transmise”, et “il y avait des paroles manquantes. “
Avoir affaire au manquant : y a-t-il meilleur levier d’écriture ?
Le troisième point commun des deux livres est l’importance accordée à l’amitié. Comme l’indique le titre de son livre, Hélène Giannecchini cherche des formes de vie fondées sur des relations amicales. Blanche Leridon est soucieuse de fournir d’autres modèles de sororité que les sœurs jalouses de Cendrillon ou la complicité maléfique des sorcières de Macbeth. Je sympathise grandement, car je me suis de bonne heure liée à deux de mes sœurs. Une solidarité de dissidentes nous a été précieuse dans notre jeunesse, accompagnée d’une amitié qui perdure dans la maturité. Notre trio sororal est d’ailleurs devenu un quatuor grâce à notre jeune frère qui ne demande pas mieux.
Tout ceci est doux et joyeux.
je relis en ce moment Jean Potocki et son manuscrit trouvé à Saragosse, je crois qu’aucun autre texte ne donne autant de place à la sororité et à la gémellarité, c’est un régal.
Ah ? Complètement oublié cet aspect. Je vais le relire quand je serai à Paris, merci !
La littérature enfantine est celle, me semble-t-il, qui aborde le plus naturellement, de plain-pied, si je puis dire, les liens entre soeurs. Je pense à Little Women, par exemple, de Louisa M. Alcott. Louisa, qui grandit au milieu de soeurs et fut membre du premier club féminin des Etat-Unis, lequel portait le si joli nom de Sorosis…
Oui, en effet. Le livre de Blanche Leridon parle à plusieurs reprises des 4 filles du docteur March, sans manquer d’évoquer aussi, bien sûr, la Comtesse de Ségur, et sans dédaigner des séries comme “La Petite Maison dans la prairie”. Merci pour ce commentaire !