Ce qui m’ennuie le plus dans l’ère numérique, ce sont les mots de passe de nos espaces personnels sécurisés : banque, doctolib, factures… Je n’ai pas d’imagination pour ça. Contrairement à certaines personnes qui s’en fabriquent à tour de bras, je les crée difficilement, les oublie facilement, les stocke je ne sais où comme les écureuils, et me soumets à l’agglomérat rébarbatif qui s’impose en cas de « mot de passe oublié ».
Mon premier mot de passe numérique, au début de ce siècle, était « e-s-p-o-i-r », lorsqu’il ne fallait encore que six lettres ou chiffres. Puis « d-é-s-e-s-p-o-i », quand il en a fallu 8. Un peu mélancolique tout ça, et pas très sécure.
(Au fond, ce qui m’irrite est le mot sécure que j’ai encore entendu à la radio ce matin.)
Hier, j’ai éprouvé un vrai plaisir d’écolière à écrire sur un chèque : “quatre-vingt-quinze euros et soixante-dix-sept centimes”, avant de le glisser dans une enveloppe où j’ai collé un timbre “château de Bussy-Rabutin”. La bonne humeur me revient avec ce nom qui rime avec libertin. Le joyeux Roger de Bussy-Rabutin, cousin de Madame de Sévigné, est l’auteur de la célèbre formule : Quand on n’a pas ce qu’on aime il faut aimer ce que l’on a.
(Mais rien ne me fera aimer le mot sécure.)
C’est charmant, comme toujours. Et j’aime aussi le château où le pauvre Bussy fut relégué plusieurs années pour avoir écrit, justement, des libertineries sur les dames de l’époque. C’est un joli petit château, bien équipé et décoré; mais comme il est loin de la Cour, de la Société. Un confinement en d’autres termes.
J’ai autant de misère que vous avec les maudits mots de passe. J’exècre les machines qui refusent le mot de passe que vous venez de créer, et qui ensuite vous interdisent d’en choisir un autre sous prétexte que vous l’avez utilisé dans le passé.
J’ai lu récemment (je ne sais plus où) “Est-il normal qu’un robot vous demande de prouver que vous n’en êtes pas un ?”
J’ai visité aussi ce château et son grand parc. Certains appellent Bussy-Rabutin “le Casanova français”, paraît-il, car il a écrit aussi ses Mémoires que je n’ai pas lues. Il y a une autre phrase de lui qui me plaît : “L’extravagance est un privilège du réel”.
jeux de passe ou de passe-passe : les ballons sont très pesants qu’on s’envoie à travers internet. Mais tu sais rendre tout cela bien léger et j’aime le son de ton rire qui s’amuse des pièges où on prétend l’enfermer. Bravo, chère Nathalie qui, d’une pichenette sait si bien balayer ce qui ne “sécure” que les terrorisés des effractions informatiques. Pour moi, je désespère d’apprivoiser un jour ces algorithmes qui m’enragent.
Un abrazo
Merci, Jacques. Les pires mots de passe sont ceux où on recommande de mettre des signes de ponctuation au milieu de tout : gWkk?4#8n!0
Il y a aussi ces lettres déformées, les Captcha que j’ai toujours peur de mal identifier ! Un abrazo, N.
Pire et plus récent que ”sécure”, j’ai entedu cette semaine une jeune auteure expliquer sur Arte que son texte avait ”maturé”. On a tout de suite envie de courir acheter le chef d’œuvre.
Quant aux mots de passe, indispensables sésames pour avancer dans nos vies insécures, je les note dans mon agenda papier, car je reste attaché à ces petits carnets conservés dans un tiroir, qui me permettent de constater que bien que ça ne se sente pas, les années passent.
J’ai pondu 28 mots de passe, dont 8 seulement sont utiles. Il y en a un qui me permet d’allumer mon ordi pour venir lire les pattes de mouette. Celui-là, je le connais par cœur.
Pas très appétissant, “maturé”, comme macéré dans du jus de chaussettes.
Tu es rudement organisé pour les mots de passe. Moi je ne sais même pas combien j’en ai et ils se ressemblent tous. Je fais des variations sur mot de passe. Honorée que mes pattes en aient un particulier sur ton ordi, merci ! Je parie qu’il commence par un R…
Gagnuré !