1er billet (d’humeur)
Dans la Ville de Paris, les bibliothécaires exercent leur droit de retrait sans prévenir les usagers qui se retrouvent gros Jean comme devant des portes closes. Tous gens devant les portes avec leurs gros livres à rendre.
Si vous cherchez des personnes qui aiment les livres vous trouverez heureusement les libraires.
J’ai récemment sympathisé avec celui de la librairie Comme un roman, rue de Bretagne, qui m’a chaleureusement persuadée de lire la poésie de Philippe Denis (né en 1947).
2ème billet (de meilleure humeur) : couper les pages
J’ai acheté Nugae de Philippe Denis, publié aux éditions La Dogana de Genève, une des dernières (avec les éditions Lettres Vives) à vendre des livres aux pages non coupées. Le papier en est de si bonne qualité (depuis que je relis Illusions perdues je suis plus sensible à la qualité du papier) que je me suis appliquée à faire du travail propre : j’ai définitivement délaissé mon coupe-papier en bois à tête d’oiseau (vieux cadeau de fête des mères), pour insérer la lame la mieux aiguisée de mon meilleur couteau de cuisine bien à plat entre les pages. Et pour la première fois mon travail est presque impeccable.
J’ai retrouvé en cours d’opération cette joie presque furtive de découvrir sous mon couteau les bribes de phrases qui ouvrent l’appétit de lecture.
À la page 33, je suis tombée exactement sur l’aliment dont j’avais besoin :
Journée de grand vent.
On peut prendre toutes les directions.
C’est d’ailleurs plus un élan qu’un aliment, et ce “grand vent” me pousse vers des métaphores plus aériennes.
3ème billet : envolée vers Philippe Denis
Je ne peux presque rien en dire encore, mais j’ai lu Nugae d’une traite ce matin. Il y a d’abord ce titre mystérieux où il semble qu’un souffle de printemps a déplacé le a du mot nuage. Un coup d’œil sur les dictionnaires me donne une clé : en latin, les nugae (ou naugae) étaient des bagatelles ou des vers légers.
Et la légèreté est bien ce qui caractérise ce poète :
Être exact suppose un tremblement.
Celui que méprise la cible.
Il est ardu de trouver un début à nos commencements. Ils sont si volatils.
J’ai lu ensuite le bel Avant-propos d’Yves Bonnefoy sur ce poète qui « pratique spontanément la brièveté du désir, la brièveté du regard qui permet la transmutation du désir ». Bonnefoy cite :
De la maturité du nuage j’espère
l’éclair ‒
de la pauvreté d’un mot, le surcroît.
Ces quelques citations sont suffisamment belles pour que je ressente aussitôt le besoin
de commander ce livre. Me reste à découvrir grâce à toi ce nouveau poète, sans écorner ou déchirer les pages. Je chercherai à mon tour un bon couteau!
Merci
Un abrazo
J’espère que tu ne seras pas déçu ! Je viens d’acheter deux autres livres de lui. Il vit discrètement à Coimbra. Il a aussi traduit Emily Dickinson, et, en collaboration, Masaoka Shiki.