Je suis en classe de 5ème, nous préparons une rédaction sur les odeurs, le sujet m’intéresse. Madame Sempere nous apprend les mots arôme, bouquet, fragrance, embaumer, délicat, subtil, pénétrant, capiteux… Je lève le doigt : « Et comment on dit quand ça sent mauvais ? » Elle s’arrête un moment et dit : « Une odeur fétide, nauséabonde ».
Madame Sempere a bien fait d’ignorer mon intention provocatrice ̶ qui s’enchevêtrait à un vrai besoin de savoir ̶ et de répondre droit à la chose. J’ai immédiatement et pour toujours retenu ces deux adjectifs.
Les dictionnaires des synonymes me réjouissent plus que des nuanciers de parfums parce qu’ils sont suivis d’antonymes abrupts. Pour embaumer, le dictionnaire en ligne CRISCO donne alphabétiquement : avoir une odeur, encenser, flagorner, fleurer, momifier, parfumer, répandre, sentir, sentir bon, puis sans transition : empester, empuantir, infecter, puer. Ces juxtapositions me stimulent ; ces glissements du sens et ces chutes dans les contraires m’insinuent ou me jettent une vérité dont je ne trouve l’équivalent dans aucun récit articulé.
Chaque mot est une girouette sensible au vent.